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Le Saint-Bernard est dur, et le Premier Consul
Sent qu’il n’est pas l’instant de préférer Méhul.
« Que l’on fasse donner, dit-il, la Marseillaise ! »
Elle donne… et sautant de mélèze en mélèze,
Et hissant leurs canons à travers les sapins, «
Les soldats de l’An Huit sont déjà des Alpins !

Elle est à Marengo, tout d’un coup, l’Immortelle !
« Epargnez ces tristes victimes… » chante-t-elle,
Et Bessière, en chargeant, fait s’entr’ouvrir les rangs
Pour ne pas écraser les ennemis mourans.
Desaix meurt, en voyant passer l’Echevelée !
Et soudain… il revoit une nuit étoilée…
Les roses d’une table… et, dans un clair décor, »
L’heure où la Marseillaise, Alsacienne encor,
Pour la première fois défit sa tresse blonde…
Maintenant, ses cheveux ont recouvert le monde !
Son bonnet phrygien a le Coq pour cimier.
Ce Coq offusque un peu Napoléon Premier,
(Car le Soir n’aime pas qu’on rappelle l’Aurore.)
Mais elle, elle est fidèle, et le sanglot sonore
De cette grande fille au rire subversif
Vengera l’Empereur monté sur son récif !
Elle bondit. Trois fois le soleil l’auréole.
Son chant fait aux pavés quitter leur alvéole.
— Viens à nous, maintenant, Guerrière aux bras levés !
Ta barricade n’est qu’un tremplin de pavés
Où tu cherches l’élan qui jusqu’à nous te porte !
Franchis, d’un vol, les temps où la grandeur est morte !
Tu peux bien convenir, en beau monstre loyal,
Que ton chant n’est pas fait pour qu’au Palais-Royal
Louis-Philippe le fredonne à sa fenêtre
Quand Gavroche s’amuse à le faire paraître !