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deux fois ou plus en officiers. Mais elle aura rendu des services énormes que nul ne peut lui contester. Et, si Dieu nous prête vie, c’est encore sur quelque bateau que nous continuerons la guerre. »

V. — L’EPUISEMENT

L’enseigne Boissat n’était que trop bon prophète, mais il anticipait un peu sur les dates, et la brigade, avant sa dislocation, devait connaître encore d’autres fastes, — et d’autres misères.

Pour le moment néanmoins, on sentait qu’il était impossible de lui demander un nouvel effort immédiat : ses élémens de résistance étaient à bout. Les ambulances ne désemplissaient plus : la vie des tranchées est affreuse partout ; ici, elle était particulièrement lugubre. Sur le carnet d’un officier de la brigade, on lit : « Il n’est pas un officier, pas un homme de la brigade qui ait autant souffert que pendant ce mois de décembre. Dixmude fut un enfer, et tous cependant aimeraient mieux recommencer un nouveau Dixmude qu’un nouveau Steenstraete. » Seuls peut-être de toutes les unités sur le front, les fusiliers marins, depuis le commencement de la campagne, n’avaient pas cessé d’être en action ou en cantonnement d’alerte. Et leur service était plus chargé que celui des autres troupes. Les officiers s’en plaignaient, moins pour eux que pour leurs hommes. « Alors que la ligne fait deux jours des tranchées et deux jours de repos, écrivait, le 8 décembre, l’enseigne Boissat-Mazerat, notre programme est six jours de tranchées, un jour de repos. » L’amiral ne pouvait rester indifférent à ces plaintes : comptable de ses hommes, il demanda pour eux, non un régime de faveur, mais simplement l’application du droit commun ; il fit valoir que, dans l’état d’épuisement où se trouvait la brigade, il n’était pas équitable de lui imposer un service plus pénible qu’aux unités voisines.

Le général Hély d’Oissel s’honora en accueillant cette réclamation qui devait entraîner la réduction du front confié à la brigade et un renforcement de celle-ci par l’adjonction permanente de 350 cavaliers à pied. Le nouveau front des fusiliers ne partait plus que du pont de Steenstraete pour aboutir à la gauche du 20e corps. À la faveur de cette décision, l’amiral