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force de désirer l’être, finissent par se persuader qu’ils le sont. — Après la notification au Pape, il y a la notification aux fidèles. Les mandemens sont en général très pieux, bien que doublement gâtés par l’excès des effusions larmoyantes et par l’abondance des déclamations civiques : c’est l’Évangile, mais retouché par le Vicaire savoyard et réformé à l’usage des vainqueurs de la Bastille. Les nouveaux élus, dans leurs lettres pastorales, ne manquent pas d’ailleurs de reprendre les formules anciennes : la plupart se disent évêques « par la miséricorde divine, » et ils ajoutent, comme si rien n’était changé, qu’ils le sont dans la communion de la Sainte Eglise catholique et du Saint-Siège de Rome.

Ces schismatiques bizarres, qui créent le schisme et le répudient, sont arrivés dans leur diocèse le visage souriant et le cœur gonflé de bonnes intentions. Les plus jansénistes ont amolli leur face rigide. Quant aux autres, ils aiment tout le monde, bénissent tout le monde, et vivent dans le rêve attendri de la primitive Eglise restaurée. Ils ont des délicatesses charmantes, et en plusieurs endroits tiennent sur les fonts baptismaux quelques jeunes enfans nés le jour de leur intronisation. Ils sont très pieux : celui-ci, comme Podérous dans l’Hérault, se fait recevoir de la congrégation des Pénitens ; celui-là, comme Sibille dans l’Aube, exhorte ses diocésains à la dévotion envers la Vierge Marie. Ont-ils des adversaires ? Ils veulent l’ignorer et sont prêts à pardonner à tous, même à ceux qu’ils ont dépossédés. Ils ont déchiré l’Eglise, juste assez pour frayer, à travers la déchirure, le chemin à leur ambition. Maintenant ils ne demandent plus qu’à recoudre. Dans cet esprit, beaucoup, en leurs premières instructions, prêchent la conciliation avec les non-conformistes. Lalande dans la Meurthe, Maudru dans les Vosges, recommandent aux curés d’assister à l’autel les prêtres réfractaires qui se présenteront. Pontard, dans la Dordogne, déclare répudier toute pensée de malveillance vis-à-vis des insermentés. En plusieurs endroits les évêques constitutionnels proposent, spécialement pour les cérémonies funèbres, une sorte de modus vivendi entre les jureurs et les non-jureurs ; ceux-ci célébreront dans une chapelle l’office des morts, et les autres accompagneront les convois jusqu’au lieu des sépultures.

Dans le profond désaccord des choses, toute entente est