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Deux-Sèvres de répondre : « Nous vous ferons passer ce qui restera. » Le 17 février 1792, Lindet, évêque de l’Eure, écrit : « Je vais faire quelques prêtres. Mais ma pépinière est bientôt épuisée. Si nos séminaires ne se remplissent pas, nous serons bientôt forcés d’ordonner de bons pères de famille. » Trois mois plus tard, le même Lindet indique, sur un ton d’agréable persiflage, les limites que sa conscience, même très élargie, ne peut franchir : « MM., du Calvados, écrit-il, m’ont adressé, pour que je l’ordonne, un homme originaire de Perpignan et qui était, il y a trois semaines, comédien à Bayeux. J’ai dit que je croyais qu’un comédien pouvait être actuellement un bon citoyen, mais que je ne jugeais pas qu’il pût être actuellement un bon prêtre, surtout dans le lieu où il a déployé ses talens. »


V

Au milieu de leurs déboires, les évêques essaient pourtant de se consoler. Ne leur reste-t-il pas leur rang officiel, leur participation à la puissance publique ? Mais voici que, les disgrâces s’accumulant, ils se sentent dédaignés comme fonctionnaires aussi bien que discutés comme prêtres et comme pontifes.

Du fond de leurs provinces, pendant tout l’été de 1792, ils épient les nouvelles. Ils apprennent, et avec stupeur, l’attentat du 20 juin. Ils voient se former les bataillons de fédérés. Le mois de juillet ramène l’anniversaire de la Bastille prise ; mais la fête commémorative est sombre, âpre, violente, et semble moins action de grâce pour une victoire que préparation pour un nouveau combat. A travers l’Ouest passent les volontaires du Finistère, et dans les départemens du Sud-Est les Marseillais. Si patriotes qu’ils soient, les évêques, les prêtres ne laissent pas que de s’alarmer. Leurs amis, ce sont les administrateurs, les légistes, tous ceux qui, l’année précédente, ont acclamé la constitution de 1791 et ont cru, ce jour-là, la révolution fixée. Ils vont à eux, cherchent auprès d’eux réconfort, mais les trouvent en un état d’effarement qui accroît leur propre anxiété. Ils rentrent en leur demeure, tremblant pour leur crédit, tremblant aussi pour leur ministère sacré. Devenus