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ces gages, on l’insulte, dit-il, quand il passe dans le quartier des Brotteaux ; sur l’un des ponts, un garde national a même dirigé sa baïonnette contre lui. Il a allégué qu’il était, non un curé ordinaire, mais un curé patriote : « Peu importe, lui a-t-on répondu, tu n’es qu’un calotin. » La lettre, qui est du 29 octobre 1792, tombe aux mains d’un commis de Roland. En marge de la pièce originale, on trouve un projet de réponse qui est ainsi conçu : « La double religion que vous professez, celle de patriote et celle de chrétien, inspire au ministre l’intérêt le plus vif… Il faut instruire le peuple, l’accoutumer au respect. Plus vous ferez de sacrifices à la bonne cause, plus vous vous assurerez l’estime des bons appréciateurs de la conduite des hommes. » Le rédacteur de la lettre ajoute en ironiste sérieux et à titre de consolation supplémentaire : « Il doit vous être infiniment doux de méditer toutes ces vérités à l’ombre de l’arbre que vous avez fait planter place des Minimes. »

Dans le déclin de la puissance, le salaire restait. Le garderait-on toujours ? Le 13 novembre 1792, à la Convention, on vit Cambon gravir la tribune. C’était, entre tous les membres de l’Assemblée, l’un des plus compétens en matière financière. « Il est, dit-il, une dépense qui coûte chaque année cent millions à la République, dépense qui ne pourrait être soutenue en 1793 sans être prise sur le sang du peuple, et votre comité n’aura pas l’impudeur de vous la proposer. » Il continua en ces termes : « La question est celle de savoir si tous les croyans ne doivent pas payer leurs prêtres. Votre comité a trouvé la solution dans la déclaration des droits : nul ne peut être payé que par ceux qui l’emploient. » Sur l’heure, la motion rencontra peu de faveur. Héritiers inconsciens de l’ancien régime, les membres de la Convention voyaient dans l’Église une puissance à protéger ou à combattre, non une association de fidèles vivant de leurs propres ressources et s’abritant sous la loi. En outre, ils ne pouvaient avoir oublié les déclarations toutes récentes qui avaient placé le budget des cultes au rang des dettes nationales. Enfin ils jugeaient que, pour quelque temps encore, une religion était nécessaire au peuple. La suggestion de Cambon fut combattue, au club des Jacobins par Basire, à la Convention par Danton. « Voulez-vous, dit Robespierre dans son journal, créer une nouvelle génération de prêtres réfractaires ? » Par deux décrets successifs, l’Assemblée