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à ceux-ci à leur appliquer, en toute indépendance, les règlemens canoniques, et à les suspendre ou les interdire s’ils le jugeaient bon. Telle était dans sa simplicité la législation nouvelle. Mais les Conventionnels n’étaient point d’humeur à reconnaître un domaine où leur autorité ne se portât point. Peu soucieux de logique ou de justice, ils se firent aveuglément les protecteurs des prêtres mariés, et même ce furent bientôt les seuls qu’il leur plut de supporter.

Toute une législation fut forgée qui s’inspira de ces pensées. Il fallait d’abord réduire au silence les prélats qui avaient osé proclamer les règles anciennes. La 19 juillet 1793, après un court débat, la Convention décida que les évêques qui s’opposeraient au mariage des prêtres seraient déportés et remplacés. Trois semaines plus tard, un nouveau décret fut rendu qui déclarait nulle toute destitution de prêtre pour cause de mariage, et réintégrait dans leur emploi tous ceux qui, pour ce motif, avaient été déplacés. Cependant certaines communes se souciaient peu de curés mariés et leur témoignaient quelque mépris. Après avoir assuré les ministres du culte contre leur évêque, il importait de les assurer contre leurs paroissiens eux-mêmes. La sollicitude du pouvoir législatif ne se démentit pas. Le 17 septembre 1793, on décida que tout prêtre marié qui serait persécuté pour ce sujet par les habitans, pourrait se retirer au lieu où il le jugerait bon. Là il continuerait à être payé, et aux frais de la commune persécutrice. Bientôt la Convention jugea cette protection elle-même insuffisante. Non contente de l’impunité, elle ajouta la récompense. Deux mois plus tard, le 25 brumaire an II, elle décida que tout prêtre qui se marierait, fût-il insermenté, échapperait à la déportation. Une seule chose, une seule, garantissait le pardon de toutes les fautes passées et conférait une sorte d’indulgence plénière très laïque, mais certaine : c’était l’abdication du célibat. Les Jacobins avaient eux aussi leur théologie, et dans cette théologie toute réformée, le mariage avait la vertu du baptême : il remettait tous les péchés.


VIII

Aucune analyse, même poussée très à fond, ne réussirait à décrire le sort du clergé assermenté en cette année 1793. Nul