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à pied, attaché par une corde. « Je m’attends à tout, je suis résigné à tout, » écrit-il pieusement. Une seule chose le confond, c’est d’être mêlé sur la route à de jeunes prêtres réfractaires ; se rappelant la faveur d’autrefois, se rappelant surtout les services rendus par l’Eglise constitutionnelle à l’ordre nouveau, il ne se figure pas, il ne peut se figurer cette égalité dans l’infortune : « Nous ressemblons, dit-il tristement, à des oranges qu’on rejette après en avoir pressé le jus. »

Ces disgrâces ne sont encore que celles des grands, et les plus humbles essaient de se rassurer. Or voici qu’en cet automne de 1793, devant le tribunal révolutionnaire de Paris, de simples curés, non réfractaires, mais constitutionnels, sont traduits. Leur histoire est, à tous, à peu près pareille. Ils ont été saisis dans leur presbytère sur la dénonciation de leurs paroissiens ; ils ont été traînés au district, puis, après enquête, transférés à Paris. Maintenant, tout tremblans, tout effarés, ils arrivent de la Conciergerie au Palais de justice, pauvres plébéiens venant répondre de leurs obscurs méfaits comme d’autres de leurs éclatantes conspirations. Le premier est un curé bourguignon du nom de Masson. Il a, dit-on, lu dédaigneusement les mandemens de l’évêque ; il a mal parlé de l’Assemblée, désapprouvé les enrôlemens militaires, refusé, un jour de procession, l’escorte de la garde nationale. C’est assez pour qu’il soit rangé parmi les contre-révolutionnaires ; et le 23 septembre 1793, il passe du tribunal à l’échafaud. — Quelques jours après, le 6 octobre, un autre curé constitutionnel s’assied sur la même sellette des accusés. Il s’appelle Guichard et dessert une petite commune de Seine-et-Oise. ; Il a osé dire que le roi Louis XVI était mort en martyr ; puis il a, le 15 août, célébré la procession dite du vœu de Louis XIII ; et c’est pourquoi il subit le même sort que Masson. — Trois semaines plus tard, le même tribunal qui juge les généraux, les anciens Constituans, les Feuillans de toutes sortes, interrompt ses grandes audiences pour juger, comme par intermède, un troisième curé. Il se nomme Barthélémy et arrive des Vosges. C’est, lui aussi, un constitutionnel, mais un peu irrésolu, car il s’est rétracté quatre fois avant de se fixer parmi les assermentés. Contre lui les accusations se pressent. Il a critiqué la Constitution ; il a mal parlé des Conventionnels ; il a plaint le sort de Louis Capet ; il a blâmé la loi du divorce ; il a