Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/631

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vacance du pouvoir exécutif. Sa magistrature avait duré vingt minutes à peine : ce qui parait court, remarque notre écrivain, même pour l’Amérique latine. Ces momens lui suffirent cependant pour lui permettre de nommer Huerta ministre de l’Intérieur, puis de s’effacer à son tour. Dès lors, automatiquement, par la vertu de la loi et conformément à son rang parmi les secrétaires du Cabinet, Huerta devenait l’Exécutif à titre provisoire, sous la réserve d’élections ultérieures à bref délai. « Il n’y a rien à dire à cette procédure technique et d’accord avec la Constitution, conclut le recueil. On ne peut, toute sentimentalité à part, qu’admettre la parfaite légalité de l’opération. »

Mais voilà qu’aussitôt ce point de vue, si franchement formulé par la femme du secrétaire de l’ambassade américaine, la met, sur un article capital de doctrine, en opposition avec son gouvernement. Est-ce que, de la Maison-Blanche, une voix ne vient pas de s’élever et d’annoncer que les États-Unis partaient pour la « croisade » en faveur d’une race asservie ? La croisade ! Une race asservie ! Mme O’Shaughnessy réprime mal un sourire et elle écrit cette observation aussi vigoureuse qu’ironique : « Ce n’est que par une main de fer que cette race impulsive, obstinée, mystérieuse, bien douée, d’ailleurs, mais indisciplinée et composée d’innombrables élémens réfractaires entre eux, peut être maintenue dans la soumission aux lois. Aux Etats-Unis, où, comme on sait, chaque chose et chacun sont toujours à leur vraie place, on ne comprend cela qu’à moitié… » Un peu plus loin, la femme du diplomate américain ajoute : « Un fait indéniable, c’est que Huerta tient dans sa main l’armée et tout l’appareil visible du gouvernement, tout ce qui représente, pour les élémens conservateurs (bons ou mauvais, peu importe), leur constitution, l’unique égide autour de laquelle les affaires vitales du pays puissent former un groupe national. »

Ces idées, directement opposées à celles qu’avait alors, sur les choses du Mexique, le gouvernement de Washington, empruntent, nous l’avons dit, une autorité particulière à la personne qui les a exprimées, au lieu officiel où elles ont été formulées. C’était d’ailleurs ainsi, d’après les témoignages les plus authentiqués comme d’après le recueil lui-même, que pensait tout ce qui savait observer et réfléchir, non seulement dans