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la société mexicaine, mais parmi les communautés étrangères, à commencer par les légations. Cette unanimité ne sera pas sans valeur pour l’histoire et, avant d’aller plus loin, il importait de la relever.

Causant un jour avec un diplomate qu’elle ne désigne pas (là-dessus, d’ailleurs, à Mexico, leur opinion à tous est la même), Mme O’Shaughnessy put s’entendre dire : « La politique des États-Unis consiste à laisser le pays s’affaiblir par le simple refus de reconnaître son gouvernement. Ainsi, quand le Mexique entrera en agonie, les États-Unis seront les maîtres de la place sans peine et sans frais, ayant fait l’économie d’une intervention qui vaudrait certes beaucoup mieux pour le Mexique, mais qui leur coûterait infiniment plus cher. » Et Mme O’Shaughnessy, moitié figue, moitié raisin, ajoute aussitôt cette remarque : « Tous nos chers collègues se plaisent à répéter, sous le voile d’une imperturbable discrétion, les propos les moins flatteurs pour ce que, sans doute, ils appellent entre eux notre petit jeu (our little game). »


Entre temps, la crise mexicaine suivait son cours avec des alternatives de succès et de revers, tant pour les troupes du gouvernement que pour les forces révolutionnaires qui, sous la conduite de Carranza, s’étaient soulevées contre Huerta, au lendemain du double assassinat de Madéro et de Pino Suarez. Voilà un nouveau héros de la révolution sur la scène. L’écrivain relève en passant la xénophobie de Carranza, sa haine contre tous les étrangers, quels qu’ils soient. « Très inférieur à Huerta en aptitudes et en force, il ne doit sa fortune qu’à sa barbe grise de prophète, à sa foi en lui-même et à son ambitieuse ténacité… Qu’on joigne à cela une hostilité décidée vis-à-vis des États-Unis et l’on concevra ce que doit être sa surprise s’il se demande les raisons de sa popularité à Washington… »

M. Lindt, cependant, est monté de Veracruz à Mexico, sans doute pour recevoir lui-même la soumission de Huerta. Il éprouve un échec complet et le jeune ménage contient à peine la satisfaction que lui cause cette défaite de l’agent « confidentiel » du gouvernement américain. Quelques jours plus tard, à un déjeuner diplomatique, le mot d’« intervention » se trouve prononcé.