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cette reconnaissance qui est, pour l’instant, le but final de toute son activité. » Mais M. Wilson persiste à ne pas le reconnaître, et, en attendant, les choses se gâtent pour le gouvernement de Huerta : Chihuahua tombe entre les mains des rebelles ; Ojinaga est évacué par le général Mercado, son lieutenant. La série notre des trains qui sautent s’allonge chaque jour. Une colonne d’insurgés parait à San Luis de Potosi, à quatorze heures de Mexico. Tampico est menacé. Devant ces progrès alarmans, qui font la joie de M. Lindt, que doit-on souhaiter, sinon le renforcement et les succès du pouvoir central, unique barrière contre le vandalisme et l’anarchie ? Or, c’est le moment que choisit le Cabinet de Washington pour lever l’embargo sur les envois d’armes et de matériel destinés aux révolutionnaires, contrairement aux adjurations réitérées de son chargé d’affaires !

« Nous sommes tremblans et hors de nous, écrit la jeune femme à sa mère. Un pareil acte ne saurait par lui-même établir les insurgés ni à Mexico, ni nulle part… Il ne peut que perpétuer cette effroyable guerre civile et grossir les torrens de sang qu’elle fait couler… Que vont dire le Quai d’Orsay, la Wilhelmstrasse, Downing street et le Ballplatz, déjà informés de la mesure préméditée ? Je répète sans cesse en moi-même : Mon Dieu ! mon Dieu ! toute une génération de riches et de pauvres va se trouver à la merci de hordes auxquelles on met les armes à la main pour la dévastation et le massacre… »


Dès lors, les événemens marchent vite dans le malheureux pays mexicain. Pourtant, le gouvernement de Washington continue de rester impassible. Ni le meurtre du résident anglais, M. Benton, tué a Chihuahua de la main même de Villa, a ce qu’on assure, ni les tortures infligées depuis des mois et publiquement, par ce misérable, à un membre de l’opulente famille Terraza, pour lui arracher une rançon de 500 000 piastres, ne font changer le point de vue de la Maison-Blanche. Devant le péril croissant, les colonies étrangères ont obtenu l’autorisation d’armer leurs hommes valides, de s’organiser entre elles pour leur protection commune. Les légations dirigent ces mesures de sauvegarde et se munissent elles-mêmes de moyens de défense, tels que fusils Winchester,