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travers la glace du wagon, la voyageuse, comme une exilée, se compose une vision aiguë de ces admirables décors qu’elle a tant aimés et qu’elle quitte ; c’est comme une page définitive où se rassemblent toutes les précieuses images mexicaines, non seulement celles qui défilent sous ses yeux, les immenses volcans argentés, les gorges et les profondeurs vertigineuses de la région d’Orizaba, mais d’autres, les anciennes, dont sa mémoire est doucement obsédée… C’est l’adieu à toutes ces beautés, et c’est un adieu qui est aussi un appel, une prise à témoin qu’elle n’est pour rien dans cette guerre étrangère qui va fondre sur le pays qu’elle quitte avec un tel déchirement et dont les horreurs dépasseront peut-être celles de la guerre civile…

Quand elle se retrouve au milieu de ses compatriotes, de ces jeunes aspirans sourians, dans leur uniforme d’une impeccable blancheur, alors Mn, e O’Shaughnessy se sent déjà pénétrée d’un autre sentiment. Le Mexique est loin. La patrie est là et l’air du pays l’entoure de nouveau. L’accueil de l’amiral, le spectacle de la flotte en rade, le va-et-vient des officiers « durs comme des clous, » les sons de l’hymne national : Star spangled Banner, une, revue des 6 000 hommes de débarquement, tout cet appareil militaire la frappe par une image de puissance qui anime en elle cette fibre nationale qu’à Mexico elle avait sentie si souvent froissée.

— Est-ce la guerre ? lui demande-t-on.

— Est-ce la guerre ? répond-elle… Personne ne sait…

Le mot de l’énigme, le jeune ménage le saura peut-être à Washington, où il est appelé par un télégramme officiel.

« Certaines choses sont mortes et ne renaîtront plus jamais, » écrit mélancoliquement Mme O’Shaughnessy à bord du yacht amiral, Yankten, jadis propriété de Mme Sarah Bernhardt, sous le nom de Cléopâtre, et qui la déposera à la Nouvelle-Orléans. « Tout ce qui finit est triste, » ajoute-t-elle en conclusion, et cette conclusion est presque une épitaphe, — l’épitaphe de Huerta et de sa tentative de régénération du Mexique.

Huerta est mort, sans avoir même obtenu l’auréole de cette guerre un moment si menaçante, qui fut un avortement. Il n’y a pas eu, en effet, de véritable conflit. Une nouvelle expédition américaine est seulement venue camper sur le sol mexicain. Des rencontres sanglantes ont eu lieu. Pas plus aujourd’hui qu’alors, il n’y a de guerre franche et ouverte. Des conférences