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courant de l’opinion s’était d’abord porté dans un tout autre sens, et se laissait aller à cette pente facile du business as usual qui signifiait pour le consommateur : vivez comme d’habitude, dépensez comme d’habitude. Pourquoi changer son train ? L’Angleterre est prospère, la guerre sera courte. Ne faut-il pas faire aller le commerce ? — Ce n’est qu’au milieu de 1915 qu’on vit s’annoncer le changement d’idées. On sait ce que fut alors l’éveil de l’Angleterre au point de vue de l’impôt et des finances de guerre. Sous l’influence des mêmes causes, l’éveil se fit bientôt aussi au point de vue de l’épargne de guerre. A la campagne pour l’impôt succéda la campagne pour l’économie : effort très curieux, dont nous voudrions indiquer brièvement les moyens et la portée.

Les premiers appels vinrent du gouvernement. C’est M. Lloyd George qui, le 4 mai 1915, au Parlement, posa d’abord le principe : « Il faut que les épargnes du pays soient augmentées, » et qui, huit jours après, le développa : « L’épargne du peuple est la chose vitale. Les seules économies qui nous aideront sont celles du peuple lui-même, celles des individus, des familles, de tout homme qui reçoit un revenu sous quelque forme que ce soit. Quiconque dans sa sphère supprime une dépense non nécessaire contribue matériellement à notre succès… » Et, pour finir, cette objurgation : « Si la nation veut être sage, qu’elle soit sage en temps utile. » Dès lors, à chaque occasion, les ministres multiplient les avertissemens. Citons celui qu’adresse aux Communes, le 10 octobre 1915, M. Montagu, secrétaire parlementaire du Trésor : « Ce qu’il faut pour la guerre, ce n’est pas du numéraire artificiellement créé, ce sont des biens et des services réellement fournis ; rien ne s’y peut substituer. Nous ne pourvoirons à la guerre que si la population civile, dans toutes les classes, se restreint et réorganise sa vie sur de nouvelles bases en vue de réduire la consommation des biens et services… L’individu qui achète des choses dont il pourrait se passer, qui ne se réduit pas et ne remodèle pas sa vie de manière à pouvoir mettre la moitié au moins de son revenu à la disposition du pays, celui-là ne fait pas son devoir… Nous avons engagé les ressources de l’Angleterre jusqu’au bout dans cette guerre : au pays à voir que ces ressources soient disponibles et ne se dissipent pas en dépenses privées. » A quoi M. Asquilh ajoutait récemment : « Supprimez toute