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des importations faites par l’État pour les besoins de guerre, lesquelles ne figurent pas dans les statistiques, et dont le chiffre a progressé jusqu’à atteindre, disait dernièrement le chancelier de l’Échiquier, 12 millions sterling par semaine. Ceci porterait donc pour cette année à plus de 900 millions de livres le total du débit extérieur des Iles britanniques ; en face de quoi les intérêts de capitaux prêtés à l’étranger, en diminution du fait de la vente d’un nombre croissant de ces valeurs, les produits (d’ailleurs fort accrus) de la marine marchande et ceux de la banque internationale ne produisent à l’actif qu’un chiffre qu’on peut évaluer très approximativement à 400 millions : d’où un très gros découvert dans les règlemens extérieurs du Royaume-Uni.

La conséquence de cet état de choses n’a pu manquer de se faire sentir sur le change anglais. Le change sur Londres, que l’arrêt momentané des relations internationales avait fait hausser au début de la guerre, se mit à fléchir, pour tomber bientôt à des cours inconnus depuis des générations : le 1er septembre 1915, la livre sterling ne valait plus à New-York que 4 dollars 50, au lieu du pair de 4.86, soit une perle de 7,4 pour 100, signe et mesure de la difficulté où se trouvait le Royaume-Uni pour ses règlemens extérieurs. Non seulement il avait de ce chef à payer ses importations plus cher ; non seulement le prix des choses à l’intérieur s’en trouvait porté à hausser ; mais le pouvoir d’achat de l’Angleterre à l’étranger était ébranlé, le crédit extérieur de l’Angleterre semblait menacé.

Fallait-il laisser au libre jeu des forces économiques le soin de remédier à la situation, quitte à voir l’or sortir à flots du pays ? C’est ce que quelques libéraux intransigeans soutinrent au Parlement, faisant valoir que le change n’est pas seulement un baromètre des transactions internationales, mais aussi un régulateur automatique qui tend spontanément à rétablir l’équilibre : la baisse du change tend en effet à restreindre les importations et à favoriser les exportations par le fait de la hausse qu’elle provoque dans le prix des produits importés ou exportés. Cette vue théorique, si juste soit-elle dans le cours normal des choses, le gouvernement anglais ne crut pas pouvoir s’y fier, pour cette bonne raison que la guerre, tout en réduisant forcément la faculté d’exportation du pays, ne permet pas de restreindre les importations faites en vue des