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besoins de l’armée, lesquelles revêtent un caractère de nécessité militaire. Du moment que le jeu des forces économiques n’était plus libre, il fallait intervenir : le gouvernement intervint avec énergie.

Il intervint d’abord pour empêcher que, dans le total des importations, les importations civiles et non nécessaires ne s’accrussent abusivement. Nous avons déjà dit comment l’un des objets de la propagande pour l’épargne, propagande où le gouvernement sut prendre sa part d’effort, fut précisément de réduire les achats du pays au dehors. Mais le chancelier de l’Echiquier avait d’autres moyens d’action. Au budget de septembre 1915, il fit voter pour un an une série de droits d’entrée de 33 pour 100 ad valorem sur les objets de luxe. Puis, en 1916, il fit sanctionner par le Parlement de larges prohibitions d’importation, qui frappent, sauf permis d’entrée spécial, les automobiles, la bière, le bois, les meubles, les spiritueux, le tabac, le sucre, les légumes, les instrumens de musique, les jouets, les outils, les lainages, le papier, etc. Ces mesures n’ont pas empêché le chiffre brut des importations de croître, du fait surtout des besoins du ravitaillement ; pourtant l’accroissement est aujourd’hui plus lent, le frein fonctionne : le total des importations pendant les dix premiers mois de 1916 n’a dépassé que de 10 pour 100 le chiffre correspondant de 1915, tandis que l’augmentation de 1914 sur 1915 avait été de 25 pour 100. L’amélioration est à noter, surtout si l’on se rappelle que chez nous les achats à l’étranger ne cessent de progresser d’un pas toujours plus rapide et plus inquiétant.

Quoi qu’il en soit, le déficit était là, et il fallait aviser à le couvrir, sans affaiblir la situation monétaire du pays par un exode excessif de l’or. Le plus gros fournisseur et le principal créancier de l’Angleterre était les États-Unis. D’importans envois d’or avaient déjà été faits en Amérique, et l’or, qui dans les gros paiemens internationaux ne peut guère servir que d’appoint, l’or regorgeait à New-York, qui se souciait de moins en moins d’en recevoir, craignant l’inflation par pléthore de métal jaune[1]. Restait donc, comme moyen de couverture,

  1. C’est, disait dernièrement l’Economist de Londres, un curieux phénomène mis en lumière par la guerre que ce fait qu’il est possible d’avoir trop d’une richesse, même quand cette richesse est l’or, c’est-à-dire celle qui a toujours, et partout, été acceptée comme valeur d’échange. — Les États Scandinaves s’efforcent aujourd’hui comme les États-Unis de se fermer à l’entrée de l’or. Et l’on a pu dire un peu paradoxalement que le monde actuel se divise en deux catégories de puissances, celles qui refusent de recevoir de l’or, et celles qui refusent d’en donner.