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demander des choses qui lui manquent et qu’il ignore ; le vague de sa prière en fait le charme et son âme inquiète, qui sait peu ce qu’elle désire, aime à former des vœux aussi mystérieux que ses besoins[1]. »

Sur l’emploi de la musique symphonique à l’église, il y aurait beaucoup à dire, voire à contredire, et nous l’avons fait mainte fois. Mais on peut souscrire sans réserve à l’observation, à la distinction suivante : « Un compositeur qui travaille pour l’église devrait être très sévère et ne rien mêler dans ses compositions de tout ce qui appartient au théâtre. Quelle différence en effet entre le sentiment qui règne dans les psaumes, les antiennes, les hymnes, etc., et la véhémence des passions de l’amour et de la jalousie ! L’amour proprement dit ne doit avoir aucun rapport avec l’amour de Dieu, lors même qu’il en tient la place dans le cœur d’une jeune femme. Tous les sentimens qui s’élèvent vers la Divinité doivent avoir un caractère vague et pieux. Tout ce qui n’est pas à la portée de nos connaissances nous force au respect ; les extases mêmes qu’éprouvèrent certains personnages pieux dont parlent les légendaires, seraient indignes de la Divinité, si elles n’avaient que les caractères de l’amour profane. »

Sur la musique « vague, » sur le rôle, — secondaire, mais utile, — de la symphonie ou de l’orchestre au théâtre, le musicien dramatique a parfois des sentimens, voire des pressentimens justes, qu’il traduit avec ingénuité. « Une fille, par exemple, assure à sa mère qu’elle ne connaît pas l’amour ; mais pendant qu’elle affecte l’indifférence par un chant simple et monotone, l’orchestre exprime le tourment de son cœur amoureux. Un nigaud veut-il exprimer son amour, ou son courage ? S’il est vraiment animé, il doit avoir les accens de sa passion ; mais l’orchestre, par sa monotonie, nous montrera le petit bout de l’oreille. » On sait, et Grétry, le premier, savait quel autre exemple, tragique, de ce contraste ou de cette contradiction, Gluck avait donné dans Iphigénie en Tauride, sur ces mots d’Oreste : « Le calme rentre dans mon cœur. » Là, ce que l’orchestre nous montre, ce n’est pas « le petit bout de l’oreille, » c’est le fond même de l’âme du héros.

Grétry quelquefois paraît craindre que la musique en arrive

  1. Génie du Christianisme.