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système des curies. D’ailleurs, si le Reichsrath de Vienne devient récalcitrant, si l’obstruction organisée par les partis slaves arrête les travaux parlementaires, l’Empereur proroge sine die le parlement et gouverne sans lui. Devant une situation qui paraît sans issue, il garde toujours la ressource de l’article 14 de la Constitution autrichienne de 1867, qui donne au gouvernement, « en cas d’urgente nécessité, le droit de prendre, par ordonnance impériale, des mesures qui ont provisoirement force de loi. » Ce provisoire peut durer longtemps, et l’Empereur est juge de « l’urgente nécessité. » Avec de pareils textes, une bonne armée et une bonne police, un souverain aimé ou redouté de ses peuples peut donner licence à une Chambre de discourir et de faire de l’opposition.

En Hongrie, le Roi a eu affaire, notamment lors de l’arrivée au pouvoir de la « coalition, » à une opposition victorieuse et qui paraissait formidable ; lorsqu’il se résigna à appeler ses chefs au pouvoir, il choisit pour président du Conseil M. Weckerlé, dont il connaissait le loyalisme, et lui imposa ses conditions ; il n’accorda que des concessions de pure forme, et quand le Cabinet et la majorité voulurent aborder la discussion de réformes militaires qui auraient compromis la forte unité de l’armée, les ministres furent mandés à Vienne ad audiendum verbum regium. L’Empereur leur signifia sa volonté et les congédia, penauds et domptés. Ainsi s’effondra dans le ridicule et l’impuissance la « coalition » Kossuth, Apponyi, Andrassy. En Hongrie, où il n’y a pas la ressource de l’article 14, le Roi recourt à un procédé dictatorial. Il choisit un homme qui a sa confiance, — homo regius, — et le charge de constituer un ministère qui gouverne sans tenir compte du Parlement. Tel fut le rôle, en 1905, du général Fejervary ; en 1910, du comte Khün-Hedervary. En Hongrie, comme en Autriche, tout ce que veut le souverain est légal.

François-Joseph, d’ailleurs, n’use que rarement de ces procédés absolutistes, il répugne à ces solutions tranchantes ; en général, il préfère temporiser et manœuvrer, persuadé qu’il est toujours temps, quand on est sûr d’avoir la force à ses ordres, d’y recourir, confiant dans la fidélité de tous ses sujets à la dynastie. C’est dans ce maniement des partis, des nationalités et des hommes qu’apparaît l’« équation personnelle » du monarque. A défaut d’une haute intelligence, il possède un