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mais, tout en formant le vœu, on se retient de ne pas s’écrier : « O Salente ! » — ceux du moins qui sont politiques et historiens plus que juristes et philosophes; — et ce n’est pas Télémaque qu’on cherche dans sa bibliothèque, mais quelque Florentin ou Vénitien froid et clair. Il faut s’habituer à ce style, à ces circonlocutions, à ces précautions oratoires, à ces phrases en périphrases. Mais il y a là-dessous la pensée d’un homme non seulement probe et juste, mais sagace, avisé, très instruit des mouvemens de l’opinion américaine et très sensible à ces mouvemens.

Nous n’avons rien à perdre, rien à risquer, en lisant dans cet esprit le message du Président Wilson. Si nous y regardons bien, il part de la réponse même de l’Entente, et il la continue. Il ne suggère quoi que ce soit qui ne soit, pour nous, d’avance acquis, consenti, ou convenu. « Nous n’aurons pas de voix, dit-il, nous les États-Unis, pour déterminer quelles seront les conditions de la paix; » et il insiste : « Je ne veux pas dire qu’un gouvernement américain mettrait des obstacles aux conditions de paix si les gouvernemens actuellement en guerre les acceptaient, ou chercherait à les bouleverser quand elles seraient établies ! » Quoi de plus sage et de plus correct ? M. Wilson est parfaitement en droit de stipuler ensuite : « Mais nous aurons, j’en suis sûr, une voix pour déterminer si elles seront durables ou non en vertu des garanties d’une convention universelle... Une convention en vue d’une paix coopérative qui ne comprend pas les peuples du Nouveau-Monde ne peut suffire à assurer l’avenir contre la guerre. » Hélas ! Même celle-là y suffirait-elle ? Le Président des États-Unis esquisse d’un trait le plan d’une gendarmerie des nations. Mais qui gardera le gardien ? et qui sera le gendarme des gendarmes ? La conviction de M. Wilson s’alimente de ce qu’on nomme, par une amplification, la « doctrine » de Monroe : « Je propose donc que les diverses nations adoptent, d’accord, la doctrine du président Monroe comme la doctrine du monde; qu’aucune nation ne cherche à imposer sa politique à un autre pays, mais que chaque peuple soit libre de fixer lui-même sa politique personnelle, de choisir sa voie propre vers son développement, et cela, sans que rien le gêne, le moleste ou l’effraye, et de façon que l’on voie le petit marcher côte à côte avec le grand et le puissant. » Oui, si le grand n’avait pas faim ou n’avait plus de dents ! Ce serait incontestablement très bien. Ainsi de l’école de Le Play et du Décalogue. Le monde et l’homme seraient parfaits, si seulement le Décalogue était observé. Mais comment faire pour qu’il le soit ? Sur