Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/727

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tourbillonner suivant les lois de la gravitation, — lois trop effarantes du reste pour notre raison humaine, effarantes par le seul fait qu’elles existent et que rien ne pourrait faire qu’elles n’existent pas. Et cela durera, chronométriquement, si l’on peut dire ainsi, jusqu’à l’heure inéluctable du choc contre un autre groupe en marche affolée, ou contre quelqu’un de ces monstrueux astres morts qui roulent, obscurs, dans le vide obscur.

Heureux les simples qui ignorent tout cela ! Heureux les légers ou les très sages qui peuvent vivre sans y trop penser !… Or, ces redoutables aperçus des cosmogonies, que la prudence commandait de cacher, comme les formules des explosifs, dans des arches hermétiquement fermées, nous les divulguons déjà aux enfans de nos écoles primaires où ils concourent pour leur part au déséquilibrement des générations nouvelles !

Pauvre petite science humaine, qui nous a bien appris que non seulement les astres tombent, mais qu’en outre il a fallu qu’ils fussent lancés ! Elle nous a presque fait connaître aussi comment a dû s’effectuer le lancement de notre Terre infime ; mais elle ne nous apprendra jamais, jamais, pourquoi, comment et par qui fut lancé notre soleil[1], — et lancé avec ce mouvement de giration que, plus tard, nous-mêmes, arrivés au summum de ce qu’on appelle progrès, nous avons fini par savoir donner à nos obus, pour en augmenter la vitesse meurtrière.

Quel foyer d’épouvante, ce soleil qui nous entraine à sa suite dans des régions sans cesse nouvelles de l’infini noir, et dont la force attractive se tient toujours prête à faire dévier notre pauvre planète de son ellipse frénétique, à la happer comme une négligeable poussière, dès que faiblirait la vitesse qui la sauve, pour l’anéantir dans ses continuels cyclones de feu ! Ce soleil, que nous ne soyons qu’une émanation de lui, soit ! Qu’il ait été, — je le veux bien, devant l’évidence il faut se résigner à l’accepter, — le réservoir de toute la matière première de ce monde matériel au milieu de quoi notre vie se consume à se débattre, le réservoir de tous nos organismes humains, et même des fraîches fleurs et des yeux candides de nos enfans, jusque-là,

  1. Quelques nouvelles hypothèses assez admissibles viennent d’être émises, je le sais, sur la genèse du soleil, mais elles soulèvent encore, — et toujours et toujours, — de nouveaux pourquoi plus effroyables ; alors, à quoi bon ?