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celle du rôle joué par l’artillerie lourde et celle du nombre et de l’emploi des mitrailleuses.

Pour ce qui concerne l’effet de l’artillerie lourde, on peut s’en tenir à l’appréciation d’un homme de guerre aussi intelligent et expérimenté qu’est le général Malleterre : « J’ai l’impression, partagée par mes officiers, que ce sont les shrapnells allemands qui ont fini par avoir raison du moral des hommes, non point tant par les pertes qu’ils ont fait subir que par l’énervement d’une pluie incessante et serrée de projectiles. Depuis l’aube jusqu’à midi, le ciel étant saturé des petits nuages gris des explosions, les balles et les éclats tombent comme la grêle sans interruption sur tout le champ de bataille. Après les gros obus de la journée du 22, l’artillerie de campagne allemande nous a montré qu’elle avait des munitions à profusion, qu’elle tirait sans compter pour ouvrir le chemin à son infanterie. C’est un procédé auquel il faudra s’habituer et notre artillerie saura y répondre. »

L’impression des artilleurs eux-mêmes était plus satisfaisante encore : c’était celle d’une sorte de sécurité. Un spécialiste, le général Bon, prend à son compte l’assertion d’un journal russe : « On entend souvent dire que l’artillerie ennemie cause des ravages énormes dans nos rangs. Ce n’est pas exact. Les plus grosses pertes sont causées non par le feu de l’artillerie, mais par le feu de la mousqueterie et par celui des mitrailleuses. Les marmites ont une action morale extraordinairement puissante ; elles écrasent les forces psychiques du soldat, mais causent, en somme, peu de pertes en tués et blessés. L’effet destructif n’est nullement comparable à celui de notre 75. »

Et le général cite un fait qui, s’appliquant à la journée du 27, ne vise pas moins toute la série des combats engagés sur cette frontière : « C’est ainsi que, le 27 août 1914, pour défendre le passage de la Meuse, toutes nos batteries avaient été dans l’obligation de s’établir sur le versant exposé aux vues de la rive où l’ennemi était installé… Les capitaines s’installèrent avec la conviction qu’ils étaient appelés à se sacrifier. Je mets en fait que, si les Allemands avaient eu des canons et des artilleurs comme les nôtres, nous n’aurions pas pu rester une heure en batterie sans être écrasés. Sur les quinze batteries qui étaient ainsi exposées, une seule fut obligée de cesser le feu. Les autres ne subirent que des pertes insignifiantes. En