Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/766

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’armée eût exploré soigneusement le terrain et se fût tenue sur une demi-défensive. Nous verrons tout à l’heure que l’initiative française obtint, de ce côté, des résultats stratégiques importans ; peut-être le succès tactique eût-il été le même, si, pour l’offensive des deux armées, une « manœuvre » eût été substituée à cette marche en avant « droit au Nord, » un peu simpliste en son principe, et d’une exécution infiniment complexe et difficile en raison de l’obstacle des bois.

Du côté allemand, l’initiative tactique paraît moins résolue et moins calculée encore. L’heure de la grande manœuvre stratégique conforme aux idées Schlieffen n’est pas sonnée : on n’en est qu’aux préliminaires. Il est vrai, qu’à la date du 19, un ordre général a mis en mouvement toutes les armées opérant en territoire belge. Celles du centre (pour ne citer que celles-ci) se sont ébranlées ; mais, sauf le mouvement qui les porte sur la Meuse pour accompagner celui de von Klück, leur objectif immédiat est de plus courte portée. Tandis que le kronprinz déblaie sa route dans la direction de Verdun, le duc de Wurtemberg s’étend vers la Meuse, tout en protégeant le front, et von Hausen s’efforce d’arriver à temps pour boucher le trou entre le duc de Wurtemberg et l’armée de Bülow ; et il n’arrive pas à temps. La bataille qui s’engage ainsi présente, sur toute l’étendue de l’immense front, quelque chose de disloqué et de fragmentaire ; chaque incident tactique a son importance, mais une conception tactique générale paraît absente : du moins, elle est difficile à découvrir.

L’armée allemande a eu le temps de reconnaître et d’organiser le terrain. L’armée française se jette à corps perdu sur un obstacle qu’elle ignore[1] et ne parvient pas à le franchir : tel est le trait caractéristique de ces engagemens où la nature (bois, brouillard, chaleur, etc.) a joué un si grand rôle, et où la part de l’invention et de la combinaison tactiques paraît singulièrement réduite.


De l’offensive, de la sûreté et des renseignemens. — En revanche, la dépense en vertus militaires fut large jusqu’à la

  1. Pourtant, un bulletin de renseignemens daté du 10 août disait : « Le IVe corps allemand organise la haute Ourlhe. » Les habitans d’Offagne rapportaient que les Allemands travaillaient, depuis le 9 août, à l’organisation défensive d’Ochamps. »