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prend des temps pendant lesquels l’auditeur impatient lui tend à l’avance son adhésion. Sa lenteur et sa netteté d’articulation, sa voix qui monte aux tons les plus aigus et à une sorte de miaulement jovial, dans les saillies d’humour et de satire, ses poings qui se serrent, comme attendant le contradicteur, sa façon d’avancer brusquement le menton, et cette espèce de coup de mâchoire qui a l’air de happer les mots, et de les secouer, d’en éparpiller le contenu devant l’assemblée, toute cette action énergique ne laisse à l’esprit le plus endormi et le plus distrait aucune possibilité de se soustraire à l’emprise oratoire de Théodore Roosevelt. Ce fut, pendant les trois quarts d’heure qu’il parla, un délire croissant de soumission et d’enthousiasme.

Il fut doux, au petit nombre des Français qui étaient présens, de constater que jamais l’applaudissement ne fut plus chaleureux qu’aux passages où M. Roosevelt, avec cet accent qui porte sa pensée au fond des cœurs, parlait de la France. Il existe dans la très grande majorité de l’élite américaine — de cette élite qui a la direction intellectuelle du pays, et la charge de l’éducation des jeunes générations, — il existe des sentimens dont la profondeur et la vivacité méritent notre reconnaissance, et qui contiennent de belles promesses pour l’avenir.


Gustave Lanson.