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personnages laïques ou ecclésiastiques, et de petits croquis peignent les mœurs et les institutions de la Ville Éternelle. De ces récits variés, tous adressée à Mme de La Pouplinière, j’extrais les passages qui vont suivre.

Le conclave de 1740 est demeuré fameux dans les fastes du Vatican. Entrés dans leurs cellules le 19 février, les cardinaux, au mois de juin, semblaient aussi loin d’aboutir qu’au jour où verrous et cadenas les avaient isolés du monde. Je ne referai pas, après tant d’autres historiens, — dont le dernier en date a publié une curieuse étude ici même[1], — le récit des intrigues, des machinations compliquées, des scènes de violence, pour ne pas dire des pugilats, qui excitèrent, au cours de cette période, l’attention, la surprise et parfois le scandale des cours européennes. Il suffit d’indiquer que le Sacré-Collège se trouvait divisé en deux parties, à peu près d’égale force, le parti d’Albani, cardinal carmerlingue[2]et notoire intrigant, et le parti de Corsini, auquel la France, représentée par le cardinal de Tencin, se montrait favorable. Chaque jour, à chaque scrutin, pendant quatre grands mois, chacun de ces deux candidats réunissait régulièrement vingt-sept ou vingt-huit voix, sans qu’aucun atteignit jamais la majorité des deux tiers, — c’est-à-dire trente-quatre voix, — exigée pour l’élection., Le chevalier d’Assay constate, dans les notes ci-après, cette situation singulière. « 2 juin 1740. On est aujourd’hui plus éloigné que jamais de faire un pape ! Nous attendons le chaud avec grande impatience ; il n’y a que lui, les punaises et les puces qui soient capables de déterminer ces messieurs-là à nous donner promptement un pape !… Notre vieux renard de camerlingue ne dort plus ni jour ni nuit, depuis qu’on lui a levé le masque ; il est toujours en mouvement. Il a, heureusement, à côté de lui le cardinal de Tencin, qui lui tend des bâtons en travers des jambes et qui lui fait casser le nez. Il règne dans ce conclave une animosité si terrible qu’on est surpris comment ils ne viennent pas aux coups de poing tous les joursI » — « 7 juin. Hier vendredi est mort à vingt-trois heures le cardinal Portia. Les

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 1er décembre 1914, Un conclave de six mois au milieu du XVIIIe siècle, par le comte G. de Mun. — Voyez aussi l’ouvrage de M. de Coyaart, Les Guérin de Tencin, p. 329 et suivantes.
  2. C’est-à-dire chargé, pendant la vacance du Saint-Siège, de l’administration temporelle.