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LE JARDIN DES PRINCESSES


Alger, mai 1914.

Dans le quartier mystérieux de la vieille ville mauresque que je croyais si bien connaître, j’ai fait une découverte… Un jardin ! Le jardin des Princesses !

Pour quiconque a seulement parcouru la Kasbah, c’est bien le lieu du monde où l’on s’attend le moins à rencontrer un jardin. Que dis-je ? Un bouquet d’arbres, un pied de verdure y semblerait paradoxal. Et pourtant il y a des arbres à la Kasbah, mais si bien cachés derrière les hauts murs enduits de chaux blanche des mosquées et des petites chapelles funéraires que le Roumi qui passe, en quête de costumes et d’architectures exotiques, en croit à peine ses yeux, lorsqu’il les voit.

A ceux qui l’aiment, le vieil Alger ménage beaucoup de surprises comme celle-là. Je le dis bien haut, parce qu’on l’ignore trop en France, parce qu’on y est injuste pour notre Afrique : il n’y a rien de pareil dans tout l’Orient. Tunis même n’offre rien d’aussi franc, d’aussi nettement caractéristique. Les mœurs indigènes y sont déjà contaminées par l’influence orientale. On y sent le bariolage levantin. Que dire, après cela, de Constantinople, de Smyrne, de Beyrouth, du Caire ! Pour la beauté du costume, la fierté des types humains, l’absence de servilité et de parasitisme, Alger est cent fois au-dessus de toutes ces villes trop vantées.

Or, dans l’Alger de l’ancien temps, la Kasbah est une ville à part. C’est un monde fermé, un vieux coin d’Islam plein de secrets, difficiles à pénétrer, non seulement pour le passant