Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/858

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres résulte, comme on l’a vu, l’état de guerre ; il n’existe et ne peut exister aucune contrainte juridique qui oblige à la paix internationale ; mais la Raison doit amener les États à s’unir entre eux pour constituer bénévolement une fédération qui leur assurera la paix perpétuelle. Kant s’exprime ainsi :


Comme cet état (de paix perpétuelle) ne peut être garanti sans un pacte des peuples entre eux, de là résulte la nécessité d’une alliance d’une espèce particulière, qu’on peut appeler alliance de paix (foedus pacificum) qui différerait du traité de paix (jpactum pacis) en ce qu’elle chercherait à terminer à jamais toutes les guerres, tandis que celui-ci n’en termine qu’une seule. Cette alliance n’a pas pour but l’acquisition de quelques puissances de la part de l’État, mais simplement la conservation et la garantie de sa liberté et de celle des autres États alliés, sans qu’ils aient besoin pour cela de se soumettre (comme les hommes dans l’état de nature) à des lois publiques et à la contrainte qu’elles imposent. On peut concevoir la possibilité de réaliser cette idée de fédération (réalité objective) qui doit s’étendre progressivement à tous les États et conduire à la paix perpétuelle. Car si le bonheur voulait qu’un peuple puissant et éclairé se formât en République (gouvernement qui, par sa nature, doit nécessairement être porté à la paix perpétuelle), l’idée républicaine poserait les bases d’une union fédérative à l’usage d’autres États, afin de se les attacher et ainsi assurer leur liberté conformément à l’idée de droit international et afin de se développer peu à peu et toujours plus par de nombreuses unions de ce genre. (Paix perp. 2e sect. 2e art, définit., p. 356.)


La république dont il est ici question est un gouvernement ou plus exactement une façon de gouverner idéale, dont la réalisation est possible, quelle que soit d’ailleurs la forme du régime. Elle suppose la représentation politique des citoyens et la séparation des deux pouvoirs législatif et exécutif. La république est le gouvernement conforme à la Raison humaine ; son excellence est telle qu’elle rayonne à travers le monde, véritable messie de la Raison pratique. L’idée républicaine ne cherche pas à conquérir par la force, mais à convaincre et à s’imposer par la persuasion.

Que, l’on se reporte au texte du message, et l’on y reconnaîtra la distinction entre le fœdus pacificum et le pactum pacis, ainsi que la manifestation du prosélytisme messianique de la grande République américaine qui ne demande qu’à jouer dans le monde le rôle bienfaisant que lui imposent ses principes :


Dans tout débat sur la paix qui doit terminer cette guerre, on considère e comme acquis que la paix doit être suivie par quelque accord défini entre les Puissances, accord qui rendra virtuellement impossible le