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L’égalité des nations, sur laquelle la paix doit être fondée, si elle est faite pour durer, sera nécessairement une égalité de droit. Les garanties qu’on échangera ne devront reconnaître ni impliquer de différence entre les grandes et les petites nations, entre celles qui sont puissantes et celles qui sont faibles. Le droit doit être fondé sur la force commune, non sur la force individuelle des nations dont l’accord formera la paix. Bien entendu, il ne saurait y avoir d’égalité entre les territoires, ni entre les ressources, pas plus qu’il ne saurait y avoir aucune autre sorte d’égalité qui ne soit gagnée par le développement normal, pacifique et légitime des peuples eux-mêmes. Mais personne ne réclame ni n’attend quelque chose de plus qu’une égalité de droits. L’humanité désire actuellement une vie libre et non un jeu de contrepoids entre puissances.


Kant a tiré d’autres conséquences encore du principe que le respect de l’indépendance des États était une garantie de la paix ; celle-ci par exemple :


Aucun État indépendant (petit ou grand peu importe) ne doit être acquis par un autre État par héritage, échange, vente ou donation.

Un État, en effet, n’est pas (comme le sol sur lequel il repose) un bien (patrimonium). C’est une société d’hommes auxquels personne, sauf l’État lui-même, n’a le droit d’ordonner et dont personne ne peut disposer. Incorporer un État, qui a lui-même en tant que tronc ses propres racines, comme une greffe dans un autre État, cela signifie supprimer son existence de personne morale, et faire de cette personne morale une chose, ce qui est contraire à l’idée du contrat primitif, sans lequel ne se conçoit pas de droit sur un-peuple. (Paix perpétuelle, 1re sect. 2, p. 344.)


M. Wilson reproduit cette théorie :


Aucune paix ne peut durer, ni ne devrait durer, si elle ne reconnaît et n’accepte le principe que les gouvernemens dérivent tous leurs pouvoirs légitimes du consentement de ceux qui sont gouvernés et que nul n’a le droit de transférer les peuples d’un potentat à l’autre, comme s’ils étaient une propriété. Toute paix qui ne reconnaîtra et n’acceptera pas le principe auquel je fuis allusion sera inévitablement rompue.


Toujours dans cet ordre d’idées, Kant a dit :


Aucun État ne doit s’immiscer par la force dans la constitution et le gouvernement d’un autre État.

Par quoi peut-il en effet y être autorisé ? Serait-ce par le scandale que cet État donne aux sujets d’un autre État ? Nullement : bien au contraire l’exemple des grands maux qu’un peuple s’est attirés par son absence de règles peut servir de leçon, et en général le mauvais exemple que donne une personne libre à une autre personne (en tant que scandalum acceptum ne lèse pas celle-ci. (Paix perpétuelle 1re sect., 1, 5, p. 346.)


M. Wilson de son côté propose :