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V

Comme la Russie, l’Italie supporte un change adverse, elle a vu baisser au dehors le cours de la monnaie nationale ; elle n’est pas bloquée ; ses mers sont libres, sauf l’Adriatique ; mais ses bateaux sont rares et, quoiqu’elle puisse acheter et vendre, ses transports sont entravés. Sur une surface moins vaste que le Russe, l’Italien, qui a plus de besoins, a moins de moyens de les satisfaire, puisque son sous-sol est pauvre et lui fournit peu de métaux. Les touristes absens n’apportent plus d’argent, les émigrés présens n’en envoient plus à la mère patrie et elle en dépense davantage. Or l’Italie, qui a racheté depuis une quinzaine d’années plus de 2 milliards de sa rente nationale, placée au dehors, possédait peu de valeurs étrangères capables d’enrayer ou de ralentir la baisse du change.

Les prix ont monté dans la péninsule bien avant son entrée en guerre ; l’importation paralysée, — elle diminua de 47 pour 100 dans les cinq derniers mois de 1914, — y fut pour beaucoup ; la spéculation y fut pour quelque chose : quoiqu’il y eût des réserves de sucre en Italie, le quintal haussa de 128 à 170 francs en août 1914 ; le gouvernement permit aux 28 ou 30 fabriques syndiquées d’exporter 500 000 quintaux à la condition qu’elles s’engageassent à maintenir à l’intérieur le prix de 130 francs pendant un an. L’année écoulée, le sucre ayant augmenté de nouveau, le gouvernement fit le contraire : il exonéra d’une partie des droits d’entrée, — précédemment de 99 francs, — les fabricans qui consentiraient à vendre 135 francs le quintal. L’Etat suivit la même politique pour le papier.

Sur la baisse du change vint se greffer la hausse du fret des deux principales importations italiennes : charbon et blé : avant la guerre les navires allaient sur lest à la Mer-Noire, y prenaient du blé, le portaient en Angleterre et rapportaient du charbon ; le fret, de Cardiff à Gênes, ne dépassait jamais 10 francs la tonne en temps normal. Or, il était monté au printemps dernier à 150 francs italiens, c’est-à-dire à 100 shillings or, augmentés d’un change de 25 à 30 pour 100. À cette date, les propriétaires de l’Adriatico constataient qu’avec ce cargo de 6 000 tonnes de jauge brute, qui avait effectué en dix jours le trajet de Gènes à Cardiff, employé 6 jours à charger, 10 jours à