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favorise le progrès d’une conscience toujours plus sensible et plus haute ; il s’associe au goût des idées générales, au culte de la justice, au respect des autres hommes. Il n’exclut point les « humanités. » C’est pourquoi la loi française a voulu que, dans la composition harmonieuse et diverse de notre Institut national, l’Académie des Sciences fût la sœur de quatre autres Académies qui ne s’occupent que des réalités idéales et qui maintiennent, en dépit de tous les excès de la force brutale, l’étude immatérielle des « impondérables, » la philosophie et l’histoire, les sciences religieuses et sociales, le droit des individus et des nations, les inventions de l’art, si différentes des créations de la nature. Ainsi s’oppose au mécanisme germanique dont le dur fonctionnement épouvante toutes les lâchetés et encourage toutes les apostasies, notre conception latine et française du devoir et de l’honneur. C’est pour nous et pour nos alliés un grand sujet de satisfaction morale et un beau motif d’espérance, que de voir le triomphe de notre cause garantir ainsi le respect de la parole donnée, l’observance des sermens jurés, la fidélité aux contrats signés, c’est-à-dire, en somme, la tradition des lois et des règles qui rendent possible la vie du genre humain en sociétés régulières. Un magnifique idéal de justice et de liberté domine et éclaire les codes où nous avons inscrit, conformément aux disciplines de l’antiquité classique, le principe essentiel qui sauvegarde la dignité humaine en imposant aux violences mêmes de la guerre certaines garanties et restrictions communément adoptées par les nations dociles à l’enseignement de l’humanisme antique et de la doctrine chrétienne[1].

Au nom de cette doctrine et de cet enseignement, il convenait qu’une protestation fût faite, en cette séance mémorable, par M. Louis Renault, membre de la section de législation, de droit public et de jurisprudence de l’Académie des Sciences morales et politiques. Pour traiter la question de la guerre et du droit des gens, et pour répondre par la simple citation du texte des conventions internationales aux moralistes

  1. Pour l’un des prix à décerner en 1918, l’Académie des Sciences morales et politiques a proposé le sujet suivant : « Les lois morales de la guerre. N’y a-t-il pas, à côté des règles juridiques de droit positif, des lois morales non écrites, auxquelles les nations civilisées doivent se soumettre dans la préparation de la guerre et dans la conduite des opérations militaires ? »