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allemands qui affirment, avec M. de Bethmann-Hollweg, chancelier de l’empire, que la convention de Genève du 22 août 1864 et le règlement adopté par la conférence de La Haye en 1899 sont des « chiffons de papier, » nul n’était mieux qualifié que le savant et probe commentateur du Recueil international des traités.

Enfin, aux soldats armés pour la défense de la liberté, de la justice et du droit contre les attentats de cette cynique félonie devait s’adresser la reconnaissance unanime de l’Institut de France, réuni en assemblée générale et en séance solennelle. ; C’est pourquoi, dans cette séance historique du lundi 26 octobre, l’orateur de l’Académie française fut chargé de rendre hommage à nos combattans et de saluer le Soldat de 1914[1], qui devait encore être, hélas ! le soldat de 1917.

Les semaines, les mois, les années ont passé. Dans une des plus récentes séances publiques de l’Institut, le 18 décembre dernier, au huit cent soixante-huitième jour de cette guerre, le président de l’Académie des Sciences, M. Camille Jordan, l’illustre mathématicien, dont trois fils sont tombés au champ d’honneur, adressait à un auditoire profondément ému ces graves paroles qu’il faut citer, et qui n’ont pas besoin de commentaire : « L’année dernière, à pareille époque, mon prédécesseur exprimait en termes éloquens un vœu qui ne s’est pas complètement réalisé encore. Il ne m’est pas donné de célébrer la victoire, mais du moins les douze mois qui viennent de s’écouler nous ont apporté de nouvelles raisons de compter sur elle et de la vouloir complète et décisive. Sans parler des glorieux succès de nos armées, les crimes multipliés de nos ennemis sont le présage de leur défaite. Ils osent parler de liberté, d’affranchissement, lorsque, sur chacune de leurs frontières, gémit une nation opprimée ; lorsque des populations entières sont déportées en esclavage et qu’ils s’apprêtent à les enrôler de force dans leurs armées… Ils invoqueront en vain leur « vieux Dieu allemand, » sanglante idole que s’est forgée leur orgueil. Nous leur laissons ce Dieu-là. Le nôtre ne connaît pas la vieillesse et n’est pas l’apanage d’un peuple, mais c’est un Roi de justice et avec son aide nous vaincrons. »

L’Académie française, en ces deux années tragiques, où

  1. René Doumic : Le Soldat de 1914.