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par la somme des vertus et des sacrifices que supposent ici ces seuls mots : l’accomplissement du devoir. Il me suffit d’être vrai. Or, j’ai conscience de l’être, trop incomplètement, hélas ! parce que trop au-dessous de la splendide réalité… Un jour, j’en suis sûr, nous resterons confondus d’admiration : Je n’imaginais pas tant de beauté, dirons-nous.


Qu’ajouter à de tels témoignages, qu’il faut, l’auteur nous en avertit, élargir, amplifier, étendre, non pas seulement aux seuls chasseurs, mais « à tous les enfans de France ? » Et tous nos héroïques enfans de France ont-ils jamais été mieux dépeints, et mieux loués ?

Ne craignons pas d’insister. En face des cruautés et des infamies allemandes, — qu’on lise, par exemple, dans le recueil de M. Bucaille, la lettre sur le Martyre du Père Véron, ou dans celui du P. de Grandmaison, les pages intitulées Avec les Allemands ou le Torpillage de l’ « Arabie, » — il est doux, il est réconfortant de constater le stoïcisme souriant, l’endurance, la bravoure généreuse et calme de nos soldats. Un caporal du 115e est tombé dans un champ de betteraves ; il réclame avec instance l’aumônier de son régiment. Celui-ci, un jésuite, le P. D…, arrive enfin :


Le plus doucement possible, on le soulève. Il a une cuisse brisée. C’est hier, à sept heures du matin, qu’il est tombé, puis il est resté là tout le jour. Vers quatre heures, les Allemands sont venus sur lui, l’ont retourné ; il a montré sa cuisse brisée et, à bout portant, ils lui ont tiré deux balles dans la tête ; une lui a arraché les deux yeux. Et il est resté là toute la nuit à dire son chapelet et à m’attendre. Quand il est installé sur un matelas, un peu lavé du sang qui l’encroûte, je l’absous et, dès lors, il ne cesse de me redire : « Je suis en paradis ! Je suis si’ bien ici ! » Pas une plainte, pas un mot de douleur, toujours le remerciement et la joie comme d’une extase. Il ne voit plus rien de la terre, et c’est toujours la nuit pour ce pauvre petit sans yeux. Mais le ciel est là devant lui.


Après une attaque formidable des Allemands, qui a échoué piteusement, un autre prêtre écrit :


Nos soldats jeunes ou vieux, blessés ou pas, sont revenus animés d’un enthousiasme indescriptible, et, depuis, toutes les troupes qui partent pour les tranchées, défilent en chantant, en plaisantant, tout comme si elles allaient à la parade. C’est simplement merveilleux, et je n’arrive pas à m’expliquer comment, après neuf mois de guerre aussi dure, le moral de nos soldats peut être ce qu’il est ; c’est-à-dire supérieur encore à ce qu’il était au début des hostilités.


Dans quelle mesure les prêtres soldats, officiers ou simples