Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/955

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuple américain et son gouvernement comprendront les causes de cette décision et sa nécessité. Le gouvernement impérial espère que les États-Unis apprécieront le nouvel état de choses de la haute tribune de l’impartialité, et, de leur côté, qu’ils aideront aussi à empêcher de nouveaux maux et des sacrifices de vies humaines évitables. » De quelle manière ? « De la manière la plus simple : il suffira que le gouvernement américain « déconseille à ses ressortissans et aux navires américains de communiquer avec les ports des eaux déclarées prohibées.» Les eaux déclarées prohibées, conformément au mémoire et aux plans annexés, ce sont, sauf d’étroites bandes et un étroit chenal, par où, à leurs risques et périls, de nuit, une fois par semaine, peinturlurés en arlequin, pourraient tenter de se glisser quelques navires neutres, à peu près toutes les mers de France, d’Angleterre et d’Italie; presque toute la mer du Nord, toute la Manche, toute la portion de l’Atlantique qui baigne nos côtes, à peu près toute la Méditerranée, toute la mer Adriatique. Parce qu’il plaît à l’Allemagne, et qu’elle pense y trouver son intérêt, elle chasse le monde de la moitié du monde: elle fait plus; avec des grâces, qui forcent par trop son talent, elle le prie de s’en exiler. Dans les bureaux de la Wilhelmstrasse, on se frotte les mains ; pour l’étranger, on expédie de bons radiotélégrammes, et, pour la consommation intérieure, on dicte de bons articles. On va voir ce que peut, contre un sous-marin du dernier modèle, à grand rayon d’action, la machine à écrire du Président Wilson : c’est le thème de la plaisanterie favorite; et M. Zimmermann est tout fier d’avoir rencontré cette métaphore : « de la haute tribune de l’impartialité. » On l’entendra bien aux États-Unis, pays de sport : la plate-forme de l’arbitre, d’où il dirige le match et juge des coups, quitte à en recevoir par hasard qui ne lui étaient pas destinés.

Mais voici que, gravement, processionnellement, entouré de sénateurs et de représentans, qui sont allés le chercher aux portes du Congrès, grandi par la triple grandeur du lieu, de l’heure et de la fonction, le Président des États-Unis, qui n’est plus simplement M. Woodrow Wilson, mais un chef d’État dont on ne peut comparer les pouvoirs qu’à ceux « d’un souverain anglais du temps des George, » est monté sur « la haute tribune. » Il tient à la main et déroule le manuscrit de cette note, qui, par avance, divertit si fort la grossière astuce allemande. M. Woodrow Wilson se retrouve un instant juriste et professeur pour poser incontestablement le point de droit. Or, le point de droit, il le tire de sa note au gouvernement allemand du 18 avril 1916, de la réponse allemande à cette note,