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délais, tout cela lui était presque ajouté, presque extérieur. Le fond, de l’être, chez lui, le ressort qu’on ne touche pas sans tout tendre ou sans tout casser, c’est le sens juridique. Il est, pour l’honneur de l’humanité, de ces natures, que l’étude et la pratique du droit ont encore affinées et fortifiées, et qui ne supportent pas qu’un traité, un engagement, puissent être déchirés comme un « chiffon de papier. » Chaque fois que l’Allemagne, dans son ignorance ou son mépris des âmes, a blessé en ce point M. Wilson, elle l’a redressé. Vue sous ce jour, l’attitude du Président est parfaitement cohérente, du premier de ses gestes au dernier, de la note du 18 avril 1916 à la déclaration du 3 février 1917. Il n’y a rien en acte dans cette déclaration qui ne fût en germe dans la note du 18 avril. La conclusion même n’est pas d’hier ; elle est de l’an dernier ; et ce n’est même pas M. Wilson qui y est venu, c’est l’Allemagne qui l’a dégagée. Elle l’a peut-être voulue plus qu’il ne la voulait. Elle Tamis, par ses attaques, par ses provocations, en devoir de faire la figure qu’il devait aimer le mieux faire et de faire jouer à son pays le rôle que son pays aime le mieux jouer. Maintenant, le voici, pacifiste, mais juriste, puritain, président des États-Unis : il ne pouvait rien faire de moins, il ne pouvait faire autrement.

Mais la rupture des relations diplomatiques entre les États-Unis et l’Allemagne n’est que le premier des deux points qu’a développés ou abordés le discours du Président au Congrès de Washington. Il y en a un second, et c’est un appel aux neutres. A lire sous les mots ou entre les lignes, on eût peut-être été porté à y voir même plus qu’un appel : « Je considère comme entendu, avançait M. Wilson, que tous les gouvernemens neutres adopteront la même ligne de conduite. » Cette expression, si nettement affirmative : « Je considère comme entendu, » ouvrait aux imaginations de vastes perspectives ; d’autant plus qu’on l’avait noté, dans son message précédent, du 22 janvier, le Président Wilson, avait, avec affectation, parlé non seulement au nom du peuple des États-Unis, mais au nom « des peuples » de l’Amérique ou des Amériques, ce à quoi il ne semblait pas téméraire de supposer qu’il devait être en une certaine mesure autorisé. A présent, il parlait au nom des neutres, et il allait parler directement aux neutres, les invitant à joindre leur action à la sienne. En leur notifiant sa résolution, et tout en répétant qu’« il avait peine à croire que l’Allemagne pût réellement exécuter sa menace contre le commerce neutre, » M. Wilson a tenu à dire : « Le Président croit que les Puissances neutres travailleraient à la paix du monde, si elles adoptaient une conduite analogue. » Les réponses commencent à lui