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Cette quinzaine a été dure aux trônes et aux gouvernemens. Ce n’est pas pure métaphore, de dire que la terre tremble et que, par ondes, l’ébranlement gagne de proche en proche. La déposition du roi Constantin n’est évidemment pas un acte ré volutionnaire, mais un acte diplomatique, où le protocole cérémoniel a été un peu bousculé. Tout s’est pourtant passé aussi bien que possible. M. Jonnart, nommé haut-commissaire des Puissances protectrices en Grèce, après avoir pris, de concert avec le général Sarrail, commandant en chef de l’armée d’Orient, et l’amiral Gauchet, commandant des forces navales alliées, les précautions militaires indispensables, après avoir fait franchir à nos troupes les limites de la Thessalie, fait fermer, à ses deux issues, le canal de Corinthe, fait débarquer des détachemens au Pirée, et amené à proximité d’Athènes les renforts dont on eût pu avoir besoin, a signifié, le lundi matin 12 juin, à M. Zaïmis, président du Conseil des ministres, la résolution des Puissances, en lui demandant, par une sorte d’ultimatum que cette fois nous étions en mesure d’appuyer, une réponse pour le lendemain, avant midi. Et le mardi matin, 12 juin, à neuf heures et demie, M. Zaïmis, prenant acte de ce que « la France, la Grande-Bretagne et la Russie avaient réclamé l’abdication de Sa Majesté le roi Constantin et la désignation de son successeur (à l’exception du diadoque, dont les dispositions hostiles avaient été scandaleusement affichées), » faisait connaître que « Sa Majesté le Roi, soucieux comme toujours du seul intérêt de la Grèce, a décidé de quitter avec le prince royal le pays et désigne pour son successeur le prince Alexandre. »

De ce successeur ainsi désigné, on savait simplement jusqu’à hier que c’était le deuxième fils du roi Constantin et de la princesse Sophie de Hohenzollern. On sait maintenant, par sa proclamation, que c’est un bon fils ; dans son exemplaire attachement à son « auguste père, » qui vient de faire « un sacrifice suprême à notre chère patrie, » il feint de ne tenir que de la délégation paternelle, comme s’ils lui étaient spontanément confiés, « les lourds devoirs du trône hellène ; » dans « sa douleur d’être séparé, en des circonstances aussi critiques de ce père bien-aimé, » il a « pour seule consolation de remplir son mandat sacré (le mandat du roi Constantin). » Il aura toujours son image dans le cœur comme devant les yeux, et tâchera de toutes ses forces de suivre les traces de son règne si brillant, avec le concours du peuple grec, obéissant, par delà l’effacement propitiatoire, aux volontés toujours royales de celui qui reste pour l’un et pour l’autre Constantin Ier. Tout cela est naturel et louable, mais il y en a trop.