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d’Italiens et prépareraient inconsciemment pour un avenir prochain une nouvelle et terrible guerre. Je ne puis croire que des tendances semblables existent en Italie. Si elles existaient, et si l’on tentait de les réaliser, le gouvernement sévirait inexorablement contre elles. »

En tant qu’elle se heurte sourdement au mot d’ordre adopté par la Soviet, la crise italienne, on le voit, n’est pas sans rapport avec la crise russe ; et pareillement, à d’autres égards, la crise espagnole. Ce n’est point que l’Espagne ait suivi l’exemple ou subi, de si loin, la contagion de la Russie. Les « comités de défense » de ses régimens et ceux qui s’organisent dans les diverses corporations, mais particulièrement les militaires, n’ont eu à copier aucun modèle étranger ; le type a été produit par le milieu, et nous retrouvons là aussi « cette vieille infanterie espagnole » qui, avec les autres armes du reste, avait, pour le grand malheur du pays, rempli le xixe siècle de ses pronunciamentos. Depuis 1874, on espérait que l’Espagne en était délivrée, et l’on s’attriste, lorsque, comme nous, on l’admire et on l’aime, de constater que les germes n’en étaient pas définitivement étouffés. À la suite de la démission, dans des circonstances pénibles, de son ministre de la Guerre, le Cabinet de M. Garcia Prieto s’est tout entier décidé à la retraite ; et il y a eu plus : les libéraux ont cédé la place aux conservateurs. C’est l’inverse de la manœuvre qu’exécuta en d’autres temps Canovas del Castillo pour soutenir et consolider la Restauration encore chancelante, quand, par deux fois, il lia à sa fortune le parti libéral, en lui remettant le pouvoir. M. Dato, qui ne s’est pas dérobé à une tâche dont le poids peut être accablant, est un homme de rare valeur, honoré de tous, ayant le goût et le sens des problèmes sociaux, en cela semblable à son ancien chef, le grand ministre conservateur. Il a appelé au ministère de la Guerre le maréchal Primo de Rivera, de qui la verte vieillesse se souvient des âges disparus, et qui, au long des soixante-dix ans pendant lesquels il porta l’uniforme, assista à tant de mouvemens dans l’armée, jusqu’à celui de Sagonte, qui fut le bon, puisqu’il fut le dernier.

Mais la crise a été très grave, et l’on ne saurait nier qu’elle a failli dépasser les proportions d’une crise ministérielle. Des choses ont été discutées, même dans des journaux modérés, qui ne le sont jamais sans que ce soit un avertissement. Toutes ces dissertations sur les monarchies qui tournent à la république et sur les républiques qui gardent les avantages de la monarchie sont l’indice d’une agitation dans les profondeurs. Les élémens de dissociation, si répandus dans toutes les Espagnes, des dix royaumes maures à la Catalogne et à la