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prend peu à peu le chemin d’en sortir. M. Venizelos, revenu de Salonique à Athènes, a formé, après la démission de M. Zaïmis, un ministère où nous retrouvons ses principaux collaborateurs, M. Politis aux Affaires étrangères, et, à la Marine, l’amiral Coundouriotis. Le général Danglis a été nommé généralissime. Les triumvirs sont ainsi chacun à sa place : les deux gouvernemens se sont fondus en un seul, et l’on peut espérer que bientôt il ne restera rien du conflit intérieur qui faillit déchirer la Grèce. Le jeune Alexandre, émancipé de la triple tutelle de son père, de sa mère et de son oncle, de tous ses oncles, paternels et maternels, dégagé de sa soumission déférente à son frère aîné, débarrassé des familiers tyranniques de sa maison, des Streit, des Dousmanis, des Metaxas, des Mercouris, a l’air de prendre goût à la royauté, et se fait fort accommodant. Son style personnel n’est plus du tout celui de sa proclamation, où l’on sentait la main d’un autre. Avec de bons guides, de bons maîtres à penser et à écrire, comme M. Jonnart et M. Venizelos, il a réalisé de rapides progrès. A tout ce que lui dit le Président du Conseil, il paraît qu’il n’a qu’une réponse : «Poly kala. Très bien ! » Et nous disons aussi : très bien, pourvu que cela soit sincère et que cela dure.

Mais il y a, contre tout retour offensif, des précautions à prendre. M. Venizelos n’est pas homme à les négliger. Il va, dit-on, convoquer prochainement la Chambre, sa Chambre, celle de juin 1915, la dernière légalement ou régulièrement élue, où il avait et n’a jamais perdu la majorité, et qui ne fut brisée que par un coup de force. Transformée en Constituante, elle réglera, — et elle en a le droit, aux termes de l’article 52 de la Constitution elle-même, quoique ayant été dissoute, — la question encore en suspens de la dévolution de la couronne, et remettra la Grèce dans les voies constitutionnelles, le long desquelles elle plantera deux haies assez hautes pour qu’aucun Constantin ne puisse, à l’avenir, la faire sauter pardessus. Après quoi, le royaume apaisé renouera, s’il est sage, le fil de ses destinées. Déjà M. Venizelos l’a fait rompre diplomatiquement avec les puissances de l’Europe centrale ; et, pratiquement, il est en guerre contre elles, une de ses provinces étant envahie par les Turcs, les Bulgares et les Allemands. Ainsi les choses s’arrangent pour la Grèce, et elles s’arrangent en même temps pour nous, en ce sens que notre armée d’Orient n’a plus cette menace derrière elle, et qu’au contraire elle aura désormais sa base naturelle et nécessaire. Mais il reste des points délicats, il s’en élève, il va s’en élever, ou il peut s’en élever d’autres, précisément parce que la Grèce unie rejoint la troupe des