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La double monarchie se distingue et s’affirme, comme de raison, à ce que son mal est double : elle est atteinte tout ensemble du côté autrichien, et du côté hongrois. A Vienne, le chevalier de Seidler, qui a succédé, avec un cabinet de fonctionnaires, au comte Clam-Martinitz, est fragile comme verre et, au premier choc, ira se briser contre quelque bloc slave, polonais, ruthène ou tchéco-slovaque. L’amnistie qu’accorde l’empereur Charles est à demi un geste de clémence, à demi un signe de détresse. A Budapest, le comte Esterhazy est, dans la Chambre des députés, faite à l’image d’Etienne Tisza, en minorité de cinquante voix. Toutes les nationalités de l’Empire et du royaume se jetteraient les unes sur les autres avec bien plus d’ardeur qu’on n’en a éveillé en elles pour les jeter sur un ennemi qu’on leur présentait comme commun.

Mais, ici encore, n’exagérons rien, ne rêvons pas, regardons. Attendons plus de nous-mêmes que des autres, et plus de la force de nos armes que de l’expansion de la démocratie. Qui pourrait le nier ? Un soleil inconnu paraît se lever sur la Russie, sur l’Orient européen, et, jusqu’en Asie, certains s’imaginent qu’une aube blanchit sur la Perse, par delà ce vingt-cinquième degré de longitude Est, que le parlementarisme et le libéralisme semblaient ne pas devoir dépasser. Ainsi chantent joyeusement, dans les pleurs que versent tant d’hommes et de femmes de toute nation, les disciples de Walt Whitman. Sur ces entrefaites, et pendant que monte l’hymne à la démocratie rayonnante, à la bienfaisante et purifiante démocratie, une république, là-bas, tout là-bas, se retransforme en Empire. Et le philosophe aurait de quoi méditer, si, à la vérité, cela ne se passait en Chine, qui n’a jamais rien pu faire comme tout le monde.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant,

RENÉ DOUMIC