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pu faire, cette autre puissance internationale, l’Eglise catholique, avait pour devoir d’y travailler. Probablement sans en avoir obtenu la permission, peut-être sans l’avoir demandée, il allait de l’avant, persuadé que l’on n’est, dans ces manigances, désavoué que lorsqu’on échoue, et trop content de lui pour douter qu’il réussirait. Enfin, il arrivait de Vienne, et avec une grosse joie, tout rouge encore de cet honneur, s’étendant complaisamment sur les détails de l’audience qu’il avait eue de Sa Majesté l’Empereur et Roi, sur le temps qu’elle avait duré, sur les choses, — des choses ! — qui lui avaient été confiées, ne gardant du secret que ce qu’il convient de mystère pour augmenter l’importance de l’entretien et du personnage, n’avançant pas qu’on l’en avait prié, ne le démentant pas, il lançait tout à coup la motion, inattendue de lui plus que de quiconque, en laveur « d’une paix de conciliation. »

Parallèlement ou par opposition, les pangermanistes, les impérialistes, les agrariens, les nationaux-libéraux, les conservateurs, se déclaraient pour la guerre à outrance, pour une paix à dividendes, pour Hindenburg et pour Tirpitz, contre Bethmann-Hollweg, qu’ils prétendaient apercevoir sous le masque de ces Scheidemann et de ces Erzberger ; esprit médiocre, faible cœur, trempe molle de bureaucrate, pour qui l’Empire n’est qu’un cercle administratif, bon tout au plus à faire le chancelier d’une Petite-Allemagne, et, à ce titre, par son infériorité à sa tâche, espèce de péril national et de criminel d’État. A ce moment, qui est le premier de la crise, l’Extrême-Gauche. et le Centre, ayant opéré leur conjonction, espèrent pousser le gouvernement à entrer, à l’intérieur, dans la voie des réformes démocratiques, et à rompre, à l’extérieur, avec le programme annexionniste des pangermanistes. En face de ces partis qui se font, ou qui ont l’air de se faire exigeans, M. de Bethmann-Hollweg, certainement, et vraisemblablement Guillaume II, cèdent sur l’un des points, filent de Ia corde sur l’autre, manœuvrent en apparence pour détourner la crise, la limiter, la résoudre ou la différer par quelques concessions où, non pas même l’Allemagne, mais la Prusse seule, soit engagée. Pour ce qui est de lui, le chancelier affirme que le poste n’est point si agréable qu’il « s’y cramponne ; » mais qu’il ne doit ni ne peut ni ne veut faire du tort à la patrie ; et que, puisqu’il y est, il y restera donc, jusqu’à ce que l’Empereur l’en relève. Quant à l’Empereur, il ne relève pas son chancelier, et il ne le contredit pas. Sa personnalité numéro un s’efface, et il découvre sa personnalité numéro deux. On l’a interpellé comme Empereur allemand ; il répond comme roi de