Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 40.djvu/959

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des informateurs de la chancellerie s’est embrouillé dans une matière délicate, tout en nuances, qu’il est possible que tous « les témoins oculaires et auriculaires » n’aient pas toutes très finement discernées ni très exactement perçues ; qu’au demeurant il était impossible aux informateurs de seconde main, même s’ils n’étaient pas professionnellement des déformateurs, de comprendre et de rendre en leur subtilité. Nous n’osons dire rien de plus, et c’est dommage : M. Michaëlis verrait à quel point il a été trompé. Il lui est d’ailleurs facile de le deviner, et même de le toucher du doigt. S’il tient à être renseigné sur ce point d’histoire, qui n’est et ne sera, quoi qu’il veuille, qu’un point d’histoire, qu’il lise attentivement la réponse de M. Ribot. Jamais un plus honnête homme n’a tenu un plus honnête langage.

A quoi bon biaiser ? Le point vif, et que le chancelier a voulu faire aigu, c’est la condition future de la rive gauche du Rhin. Il a accusé nos ministres, ou même personnellement M. le Président de la République, d’avoir conclu, à ce sujet, dans les derniers temps de l’ancien régime en Russie, un traité secret avec le tsar, nous réservant de procéder, sur la rive gauche du Rhin, à « de vastes modifications territoriales. » M. Ribot a répondu : « Il ne s’agit que de nous garantir contre une nouvelle agression, non pas en annexant à la France les territoires de la rive gauche du Rhin, mais en faisant au besoin de ces territoires un État qui nous protégerait ainsi que la Belgique contre une invasion d’outre-Rhin. » M. Michaëlis lui-même doit voir à présent qu’il y a une nuance, et il doit en prendre son parti. Personne en France ne veut aller au delà, mais personne non plus ne veut rester en deçà. Contre une nouvelle agression de l’Allemagne, nous qui les comptons par centaines depuis qu’il y a des Allemands et avant même qu’il y eût une Allemagne, nous entendons qu’on nous donne des garanties, et des garanties positives. Nous ne disons pas « territoriales, » par des annexions, mais nous disons catégoriquement positives, par des démantèlemens, des démobilisations, des démilitarisations, en un mot par une « déprussification. » En quoi nous nous montrons singulièrement plus modérés que les pangermanistes, qui réclament Longwy, Briey, Calais, Dunkerque, Anvers et toute la côte belge, au minimum. A qui la faute, si l’Allemagne est un voisin si incommode que l’on ne puisse vivre à côté d’elle sans s’en garder par une « marche ? »

C’est tout, et voilà bien du bruit. Mais peut-être M. Michaëlis désirait-il simplement faire beaucoup de bruit. Hors d’Allemagne, l’Alsace-Lorraine, du point de vue allemand, ne « rend » plus. Il