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Arion, converti comme M. Marghiloman au culte du vieux dieu germain, et comme lui ancien élève de la Faculté de droit de Paris, fera difficilement oublier que, si ce n’est lui-même, son frère, M. Virgile Arion, fut un des personnages influens de la « Ligue culturale » dont le président était ce père Lucaci, curé dans le Maramarös, en Transylvanie, que les Hongrois ne se firent pas faute d’emprisonner à plusieurs reprises, pour réprimer les effusions de son patriotisme roumain. Mais c’est la loi : plus on a à se faire pardonner, plus on est incliné à donner et abandonner. M. Marghiloman se flatte t-il de pouvoir, par la grâce de ses sympathies, adoucir la rigueur allemande ? Nous désirons sincèrement qu’il y réussisse, ou, pour dire vrai, nous ne désirons rien, sinon que la Roumanie, en tant que nation, et nos amis de Roumanie, ne souffrent pas trop. Nous ne demandons même pas qu’on leur épargne l’exil, infligé à trente d’entre eux, qui, dans ces cruelles circonstances, y trouveront peut-être une consolation. Mais, comme la Conférence de Londres l’a solennellement proclamé, nous tenons, d’une foi indéracinable, que de tels « traités » sont nuls à tous les titres ; qu’ils le sont pour l’Entente et pour chaque nation de l’Entente ; que jamais nous n’y pourrons ni souscrire, ni adhérer ; parce que les confirmer, les accepter, y consentir, serait non seulement sacrifier deux de nos alliés, mais nous sacrifier nous-mêmes, nous tous et chacun de nous. Quand même ils s’y résigneraient, sous le joug, nous serions encore, pour eux et pour nous, contraints de les repousser.

L’emprise de l’Allemagne devient de plus en plus audacieuse, sa tyrannie de plus en plus pesante. Les neutres n’en sont pas garantis. Maintenant qu’elle est prépondérante dans la Baltique, les Scandinaves vont en faire l’expérience. Ils l’ont déjà faite : la Suède, aux îles Aland ; la Norvège, maintes fois, pour sa flotte de commerce ; le Danemark, au moindre incident. La Hollande leur doit la réquisition de ses bateaux, que la guerre sous-marine interdit aux États-Unis et à l’Empire britannique de garder inemployés dans leurs ports ; elle leur devra peut-être leur destruction, non point par la fortune de la mer, que fouette et irrite le génie diabolique des hommes, mais de propos délibéré, pour supprimer une concurrence redoutable, dans le métier, fructueux entre tous au lendemain de la paix, de « transporteur » universel. La Suisse se voit refuser ou voit couler les navires qui la ravitailleraient en blé et en matières premières. La convention financière et commerciale que nous venons de passer avec l’Espagne pourrait, attirer des ennuis au royaume