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elles prenaient un autre aspect. Guido cependant passa sans encombre et trouva des chevaux de poste à Bonconvento. Mais, là, les difficultés de la première fuite recommençaient. Il est vrai que, cette fois, il n’avait pas à traverser les cordons de troupes de César, mais il ne pouvait éviter le territoire de Florence, et Florence avait momentanément lié partie avec César. Que feraient les Florentins, s’il venait à tomber entre leurs mains ?

Précisément, le Valentinois avait avisé. Causant avec Machiavel, il avait demandé, comme la chose la plus naturelle du monde, qu’on lui livrât Guido, s’il cherchait refuge sur le territoire de la République. L’énormité de l’exigence avait révolté le secrétaire florentin. Malgré son admiration éperdue pour César, il avait déclaré que la dignité de la République ne lui permettait pas de faire cela. Sur quoi, César se repliant en bon ordre et entrant dans les vues de son compère, avait borné sa requête à ce que, du moins, on arrêtât Guido s’il mettait le pied en Toscane et qu’on ne lui rendît pas la liberté sans son assentiment. Guido ignorait, sans doute, cette négociation, mais il n’était pas besoin d’une grande perspicacité pour la prévoir.

Il y avait donc danger à entrer en territoire florentin : il y entra cependant, mais sans le secrétaire de Montefiore qui n’osait aller plus loin. Le voilà donc seul, avec ses valets, torturé par la goutte, à demi perclus, au cœur de l’hiver, en pays peut-être hostile. Au début, les choses vont assez bien, mais arrivé à Fucecchio, près de l’Arno, on, l’arrête. Un commissaire de la République est là, qui lui fait passer un interrogatoire et, se contentant de ses réponses, le laisse passer. Mais à quelque distance de là, nouvel embarras : un autre poste de garde aux ordres d’un comte de l’endroit, auquel il faut décliner ses qualités : il peut passer encore. Enfin, en arrivant à Monte-Carlo, troisième barrage définitif. On ne passe plus du tout : ordre d’arrêter tout voyageur. Il faut dire, devant un commissaire de la Seigneurie., ses noms, qualités, ce qu’il vient faire dans les États de Florence. Sa réponse est prête : il est Gian Battista, de Ravenne, courrier de la maison du Cardinal de Lisbonne. C’est fort bien, mais on ne peut, ici, statuer sur son sort. Il faut qu’on en réfère à Florence.

Le voilà donc arrêté, fouillé, ses bagages confisqués, enfermé dans une pièce sans lit et sans feu, tandis que le courrier part