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toutes seules. Peut-être aussi se rappellera-t-on que, depuis le premier jour et en tout temps, de toute notre force, de toute notre foi, nous avons affirmé ici la vertu de l’unité. Unité du commandement, unité du gouvernement, l’une soudée à l’autre, en procédant, en découlant : deux aspects de l’ordre. Cette vertu, qui est le fondement des États et le lien des armées, nous l’avons plus que vantée, prêchée aux bonnes et aux mauvaises heures ; dans les mauvaises, qui, par elle, nous auraient été ou épargnées ou adoucies ; dans les bonnes, qui, par elle, eussent été meilleures. Nous avons cru à ses œuvres jusqu’à réclamer un chef même médiocre, s’il n’y en avait point de brillant, mais un chef ; un seul et non pas deux ; car où il y en a deux, il n’y en a pas ; et où il n’y en a qu’un, qui que ce soit, il y en a un. Or, voilà qu’à bout de patience, à coups d’expériences, la vertu de l’unité s’impose à nous par la vertu de la nécessité. Voilà que nous avions un chef, et que, pour comble de chance, il est éminent, reconnu comme tel d’un consentement unanime. Que faut-il à présent ? Il faut que, choisi d’un consentement unanime, il soit obéi d’une unanime volonté, qu’on n’épilogue pas sur les termes de son mandat, et qu’on ne lui mesure pas, pour ainsi dire, l’autorité au compte-gouttes. « En vue de faire face à la situation actuelle, » stipule la note, qui précise, le général Foch est chargé de « coordonner l’action des armées alliées. » C’est un point essentiel à fixer, afin qu’il n’y ait ni débat ni réticence, et les questions de personnes, pas plus que les préjugés nationaux, n’ont plus rien à faire ici : il est devenu assez clair, par la résolution adoptée, qu’ils n’y intervenaient en rien. Nous sommes en guerre ; bien plus, nous sommes dans la bataille. On ne conçoit pas, à la guerre et dans la bataille, de coordination sans subordination, ni de subordination sans commandement. D’accord avec le maréchal Haig et le général Petain, que nul n’a songé à déposséder, soit ; l’affection et l’estime réciproque rendent la solution facile ; mais qu’on évite avec scrupule tout ce qui pourrait affaiblir ou compromettre la puissance de l’unité. Les Allemands, inquiets, feignent de se moquer. Après avoir, durant des mois, dit des armées alliées que c’étaient des armées sans chef, ils disent maintenant du général Foch que c’est un chef sans armée. La plaisanterie est vieille ; elle date de César. Mais Tite-Live a fourni la réplique : Virtute pares, quæ ultimum ac maximum telum est, necessitate superiores estis ; qee ce soit d’ailleurs la vertu, le courage, ou la nécessité qui soit « le dernier et le plus grand javelot, » puisque nous avons dû faire et que nous avons su faire de nécessité vertu.