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balance des physiciens. La plus grande découverte de la biologie et de la médecine a été réalisée quand Pasteur a appliqué au monde vivant ses méthodes de minéralogiste… Nous avons signalé en même temps quelle part Duhem réservait à l’hypothèse et à la métaphysique. Il s’affirmait pourtant réaliste et considérait que l’usine avait sauvé le laboratoire du byzantinisme ; il s’appliquait à arracher le masque des hypothèses implicites ; il répudiait les théories provisoires, auxquelles une mode changeante attribue trop souvent un caractère de certitude. Mais, en même temps, il gardait la conviction qu’une théorie définitive monterait comme un soleil à l’horizon le jour où l’homme pourrait se hisser sur un bloc d’observations assez haut pour la voir. D’autres savans font profession de mépriser les principes et les causes premières. À quoi bon les chercher, disent les uns, puisqu’elles ne feront pas tourner une machine de plus ? À quoi bon, ajoutent plus bas les autres, puisqu’on ne les trouvera jamais ?… Qui pourrait fuir la métaphysique ? Elle est au bout de toutes ces avenues que nous ouvrons à coups de cognée dans le fourré des réalités. Mais fermer les yeux pour ne pas la voir, supprimer la curiosité des pourquoi, manquer de foi dans la science comme dans la révélation et se résigner à n’obtenir jamais de réponse pour les seules questions essentielles, c’est supprimer une des plus grandes joies humaines, une des principales « énergies » morales qui incitent aux découvertes. Le véritable but du savant est moins d’utiliser pour quelques jours les forces naturelles que de discerner, de comprendre et d’exprimer l’harmonie du vrai, comme l’artiste cherche à atteindre l’harmonie de la beauté.

L. De Launay.