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Du temps, cela va de soi; contre l’espace, en raison du champ relativement étroit, et qui ne peut guère se restreindre davantage, où les armées alliées doivent manœuvrer. Les Allemands, remarque-t-on dans une observation plus complète encore, sont à 80 kilomètres du lieu géométrique de la victoire (toutes réserves faites sur la première partie de cette proposition, qui implique que la victoire ait un lieu géométrique), et l’Entente en est à trois mois.

Personne, nous pourrions en revendiquer l’honneur, n’a montré avant nous l’importance exceptionnelle qu’avaient et que prendraient nécessairement dans cette guerre ces deux facteurs des grandes affaires humaines, le temps et l’espace. Aujourd’hui que tout le monde l’aperçoit, nous nous contenterons de la formule la plus brève : c’est la bataille pour le temps. Nous nous battons pour garder le temps, les Impériaux se battent pour nous l’enlever; et qui des deux partis aura finalement gagné le temps aura gagné non seulement la bataille, mais la guerre. Le temps de quoi? Le temps de voir se réparer et se renouveler par l’afflux américain les forces de l’Entente, que cet apport n’augmente pas uniquement en quantité. La preuve de la qualité, si elle avait été à faire, vient d’être très brillamment faite : l’ennemi a été à même de la constater à ses dépens. Et le temps, par contraste, de voir décliner les forces irréparées et irrenouvelables de la Quadruple-Alliance, butée contre une volonté, une résolution qu’il ne dépend pas d’elle d’amollir et qu’elle aura de moins en moins les moyens de briser. « C’est le dessein ferme et inaltérable du peuple des États-Unis, a répondu M. Wilson au télégramme que M. Poincaré lui avait adressé le jour anniversaire de l’arrivée en France du général Pershing, d’envoyer constamment des hommes et du matériel en quantité croissante jusqu’à ce que l’inégalité temporaire des forces soit entièrement surpassée et que débordent les forces de la liberté; car il est convaincu que c’est seulement par la victoire que la paix peut être assurée et les affaires du monde établies sur une base durable de droit et de justice. » Là-dessus, M. Lloyd George, M. Orlando, M. Clemenceau, l’Empire britannique, le peuple italien, le peuple français, chacun selon les nuances de son tempérament, pensent, parlent, et agissent de même.

S’il leur avait fallu un motif de plus, un supplément d’ardeur à persévérer, l’Empereur allemand se serait chargé de le leur fournir. Par une coïncidence qui prêterait à des développements faciles, il avait, de son côté, dans le même moment, un anniversaire à fêter, celui de ses trente ans de règne, et il l’a fêté, au son du canon, avec