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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La situation militaire sur la Piave en était arrivée, le 22 juin, au point que l’on pouvait prévoir non seulement que l’armée du maréchal Boroevic courait à un échec, mais que cet échec, à cause des circonstances, tournerait au désastre. De fait, le dimanche 23, un bref communiqué du commandement suprême italien, — imperatoria breitas, — a annoncé avec l’accent tonique de la victoire : « Du Montello à la mer, l’ennemi, défait et talonné par nos braves troupes, repasse en désordre la Piave. » Mais ce n’est point une petite affaire, dans certaines conditions, quand on est défait, talonné, et quand d’ailleurs les eaux sont hautes, que de repasser la Piave : il faut bien la repasser « en désordre, » et le mot même doit être faible.

Il n’y a pas de raison de ne pas accepter dans leur ensemble les déclarations que le président du Conseil des ministres hongrois, M. Wekerlé, a faites sur la mésaventure de Boroevic à la Chambre des députés de Budapest; en s’y tenant, on sera certain de ne point forcer la mesure. Mais d’abord son introduction met au point son propre récit, l’exorde donne au discours tout son sens. Si M. Wekerlé a désiré s’expliquer publiquement, c’est, a-t-il averti, « pour rétablir les faits, pour ramener à leur véritable valeur les rumeurs excessives qui circulent et pour calmer l’opinion. » Ainsi les faits, sur le premier moment, avaient été dénaturés; « il avait circulé des rumeurs excessives, » et l’opinion, à Budapest, du moins, avait besoin d’être « calmée. » A cet effet, les phrases de M. Wekerlé deviennent un chapelet d’euphémismes. Il glisse en douceur : « Le Parlement sait que nous avons avancé sur la Piave et la Brenta et que, pour éviter des pertes de vies humaines, le maintien de nos positions devant entraîner des pertes énormes, nous nous sommes retirés sur la Piave et n’avons gardé que certaines régions occupées