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et très regrettables... A l’heure actuelle, elles approchent de 100 000 hommes. Je suis obligé de faire cette pénible constatation. »

Ici, une nouvelle interruption part des bancs de plus en plus houleux : « Hongrois seulement! » Tâchons de bien comprendre. L’observation peut vouloir dire deux choses. Ou c’est une sorte de patriotisme commun, s’il existe, de patriotisme austro-hongrois qui s’alarme, et elle signifie : « 100 000 Hongrois, sans compter les Autrichiens? » ou c’est le patriotisme magyar, particulier et particulariste, qui s’indigne, et elle signifie : « Les Hongrois ont encore été sacrifiés! » Mieux vaut, pour ne pas en tirer une induction fausse, adopter la première version. Dans ce cas, le chiffre de 100 000 n’exprimant que les pertes hongroises toutes seules, il faudrait approximativement le doubler pour avoir le total des pertes hongroises et autrichiennes ensemble, et on peut le faire, ou même faire un peu plus, puisque M. Wekerlé nous apprend « qu’à l’offensive et à la retraite ont participé 33 régiments hongrois et 37 autrichiens, soit 47 p. 100 de Hongrois et 53 p. 100 d’Autrichiens. » M. Wekerlé cite ces chiffres, parce que, dit-il, « les ennemis présenteront certainement nos pertes avec exagération. » Mais il les devance. Ils ne l’ont pas fait. Ils n’ont point exagéré, au contraire. Les Italiens ont été modestes, ils n’ont parlé que de 150 000. Une telle peur de l’exagération possible chez les autres est par elle-même significative. Le reste du discours est pâle auprès de cette partie-là. Ce n’est qu’un plaidoyer médiocre. Si les troupes ne mangèrent pas, ce n’est point qu’on n’avait pas de quoi leur donner à manger ; c’est qu’on ne put pas le leur faire parvenir. Toutefois, « contrairement aux rumeurs qui ont couru, il n’y a pas eu un seul cas de mort par inanition. » — « Bruit à gauche, » enregistre le compte rendu; et il est à supposer que, dans ce bruit, s’est élevée la voix du député qui avait crié : « Et la faim? » En ce qui touche les conditions du combat et de la retraite, M. Wekerlé fournit un renseignement qu’on ne jugera pas, historiquement, sans intérêt. « Le premier des trois ponts jetés sur la Piave s’était écroulé, et les deux autres avaient été emportés. Malgré tout, la retraite se fit tout à fait systématiquement. » Mais, en ce point encore, le président du Conseil hongrois s’écarte du communiqué italien. Le général Diaz ne nie pas que des ponts de fortune aient été construits j par les Autrichiens, pour suppléer aux ponts démolis ; mais il dit qu’à leur tour ponts et passerelles furent battus et abattus par son artillerie, si bien qu’en somme la retraite ne réussit pas du tout. Des troupes qui la couvraient, 20 000 hommes furent faits prisonniers ;