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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.





Après s’être fait attendre un peu plus longtemps qu’on ne le croyait, subissant ainsi un retard dont les causes, incertaines encore, étaient probablement multiples et d’ordre divers, la cinquième offensive allemande du printemps et de l’été de 1918 a été, puisque c’est le terme consacré, « déclenchée » sur le front de Champagne le lundi 15 juillet, au petit matin. Comme nous connaissons cette sorte de passion ou de culte que professent nos ennemis pour les anniversaires, même pour les nôtres, sauf à les célébrer à leur façon, nous avions vu non sans étonnement se passer en parfaite tranquillité, et le 4 Juillet, fête de l’Indépendance américaine, et le 14 Juillet, fête nationale de la République française. C’était une ruse, et de leurs plus fines : les Allemands, se doutant que nous nous méfierions, ne bougèrent point de ces deux journées, et rirent bien du bon tour qu’ils nous avaient joué en ne bougeant pas. Sans doute aussi s’imaginèrent-ils que, rassurés par leur inaction, nous allions nous endormir d’un profond sommeil. Mais, à leur habitude, ils manquèrent de mesure; ils « en mirent trop, » ils firent les morts plus qu’il n’était naturel; et leur passivité même, devant les attaques locales par lesquelles nous les tâtions et assurions nos positions depuis une quinzaine, était un indice d’un prochain accès.

On ne dépouille jamais tout à fait le vieil homme, et jamais on ne se refait entièrement. Plus de raids d’avions sur Paris depuis le 1er du mois. L’indiscrète « Bertha » elle-même s’était tue. Songez donc : son silence devait faire oublier au peuple frivole et écervelé que nous sommes la présence des armées du kronprinz à soixante-quinze kilomètres de la capitale; et puis, quand sa grosse voix recommencerait à déchirer les airs, le réveil serait si affreux que nos nerfs, ni nos muscles, ni nos os n’y résisteraient, et que nous