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ou qu’ils combattront. Ces inventeurs et ces alliés du bolchevisme seraient au besoin prêts à travailler demain avec les antibolchevistes. L’essentiel n’est pas pour eux de savoir de quel côté ils se trouveront, mais c’est d’être présents dans les affaires de Russie. Le rêve du germanisme impénitent est de reprendre sa place dans le monde et sa puissance avec l’aide des régions russes qui peuvent tomber sous sa domination et de s’installer dans la Russie en l’organisant, en apparaissant comme sauveur à des provinces lasses de luttes civiles, qui ont besoin d’ordre et d’appui pour vivre. Ce qui vient de se passer dans les pays baltiques est à ce point de vue significatif. Le 25 septembre dernier, le général anglais qui est chef de la mission de l’Entente à Riga avait demandé au général von der Goltz, commandant des troupes allemandes de la région, quelques explications sur sa présence et ses projets. Le général von der Goltz a répondu par un refus aussi hautain que menaçant. On a pu dire avec raison que Napoléon après léna aurait été moins arrogant avec le roi de Prusse. C’est que les Alliés, en attirant l’attention sur la présence des troupes de von der Goltz dans les provinces baltiques, touchaient à un des points les plus sensibles de la politique allemande. Avec une préméditation manifeste, les Allemands depuis l’armistice ont tâché de s’installer dans ces provinces russes du Nord, afin de garder une liaison étroite avec les bolcheviks et au besoin de menacer la Pologne.

Comme les Alliés étaient fort occupés ailleurs et comme en outre ils ont toujours fait preuve depuis l’armistice d’un esprit de conciliation et de confiance qui a paru souvent, après expérience, singulièrement exagéré, les Allemands ne s’étaient pas gênés et l’audace leur avait réussi. Mais ils en ont montré un peu trop. L’attitude de von der Goltz a ouvert les yeux des Alliés qui ont protesté auprès du gouvernement de Berlin et qui ont fait dire par le maréchal Foch que le ravitaillement de l’Allemagne serait suspendu jusqu’à l’évacuation des provinces baltiques. Le Gouvernement de Berlin a bien dit que von der Goltzne continuerait pas : mais il a tergiversé, donnant l’impression qu’il était ou impuissant à envoyer des ordres à un général ou désireux de ne pas être obéi, à moins qu’il ne fût l’un et l’autre à la fois. Il s’en est suivi un échange de notes, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’ont pas réussi à donner à l’Allemagne la notion d’une volonté alliée bien définitive. Le Conseil suprême a compris que, dans l’intérêt même de la paix, il devait montrer à l’Allemagne qu’il est capable de lui imposer quelque chose d’efficace. Les Alliés ont donc modifié leur plan. Après avoir envoyé des