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Mais Aïcha s’est renversée sur sa couche. Elle a enfoncé sa tête dans les feuilles de maïs et ne l’entend plus…

Les « Sept Jours » des réjouissances ont passé comme une féerie. Une à une, les familles s’en vont, emportées à dos d’ânes, de chevaux ou de dromadaires, dans la blancheur des haïks, l’encombrement des corbeilles bourrées des costumes de fête et de pâtisseries. Au loin s’entendent les dernières notes de la Chanson du Départ :

Restez, restez sur le bonheur !
Nous, nous nous en allons !
La datte des régimes
Est douce à la bouche
El brûlante au gosier !…

Peut-on dire adieu sans un regret à sept jours et sept nuits passés dans les festins et les orchestres ?… La grande maison reprend son air de mystère, avec ses jets d’eau qui susurrent au milieu des arcades sonores, et le scintillement de ses mosaïques dans une demi-ombre…

Didenn est le plus heureux des époux. Durant ces sept jours, il a eu le loisir de savourer comme un philtre la beauté parfaite et les pures qualités de sa femme. Sa femme ! Il a fallu l’affection d’une mère, et d’une mère comme Lalla Gousseume, pour choisir à ce fils une vraie aroussa, au corps de volupté, à l’âme profonde, capable de satisfaire son cœur d’adolescent et son esprit de taleb cultivé. L’amour qui naît du mariage est le seul puissant ; l’autre ne laisse après lui qu’amertume. Et là-haut, dans la chambre somptueuse, Didenn s’abandonne à l’ivresse toute neuve des étreintes permises. Allongé sur un divan de Damas, la tête sur les genoux de sa jeune épouse, il goûte un bonheur intime, au milieu de la fièvre des sens qui empourpre ses joues, à lui conter mille choses très sérieuses, certaines légendes découvertes sous la poussière des manuscrits andalous, la vie de hautes figures musulmanes, où la passion sans tache inspira l’héroïsme au combat, le dévouement à la science ou les grands actes de charité. Et il se laisse aller à la caresse des mains longues qui passent et repassent dans ses cheveux bouclés…