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toutes ces manœuvres et de rappeler énergiquement l’Allemagne à ses obligations. Depuis la signature du traité de Versailles, elle a reçu trop de sommations non suivies d’effets ; elle s’enhardit à l’excès ; il s’agit de lui parler net et de lui faire comprendre que les Alliés ne toléreront pas toutes ces fantaisies.

Le Conseil Suprême a déjà pris une mesure. L’Allemagne n’ayant pas exécuté toutes les clauses de l’armistice, il a décidé de lui faire signer un protocole de liquidation de l’armistice, et de faire aussi passer dans le régime de paix les conditions imposées le 11 novembre 1918 et non encore remplies. Ce ne serait là qu’un document de plus, si le protocole n’énumérait ces conditions et ne prévoyait des sanctions. Des compensations en particulier seront dues pour la destruction de la flotte allemande à Scapa-Flow. Au moment où le traité va entrer en vigueur, il a fallu encore une fois recourir au maréchal Foch pour s’assurer des garanties indispensables. Ce seul fait contient un enseignement qui a son prix. L’Allemagne nous a rendu involontairement service en découvrant tout de suite ses arrière-pensées et en nous révélant comment elle comprend la paix. Nous sommes avertis. Le traité n’est pas comme un monument tranquille et solide qui dominerait l’Europe et dont il ne serait pas besoin de s’occuper. La paix n’est pas quelque chose d’achevé, qu’on puisse abandonner à soi-même. M. Clemenceau, dans son discours de Strasbourg, après avoir montré les avantages du traité de paix, a prononcé sur l’Allemagne une seule phrase qui mérite d’être citée, car elle implique à elle seule toute une politique : « Nos sûretés prises, a dit le Président du Conseil, nous saurons attendre, dans le ferme exercice de nos droits, qu’elle se convertisse aux sentiments de civilisation. » Pour prendre nos sûretés et exercer nos droits, nous aurons besoin d’être forts et de veiller. La France nouvelle, au moment où elle travaille à se constituer, à recréer ses méthodes, à développer ses énergies, doit savoir que pendantlongtemps elle devra porter son attention sur les événements d’outre-Rhin.

André Chaumeix.
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