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non désarmée l’idée de la civilisation et de la vie internationale qu’ils ont contribué à sauver par les armes. Il y a quelques semaines, le Président de la Mission économique française, M. Eugène Schneider, dans le beau discours qu’il prononçait à la Conférence d’Atlantic City, rappelait que la victoire militaire n’est pas le terme de la guerre, et il citait ces mots que Turgot a écrits en 1776 : « L’Amérique est l’espérance du genre humain. » Près d’un siècle et demi plus tard, M. Clemenceau a formulé une maxime analogue qui résume la pensée de notre pays sur ce sujet : « Nous comptons sur l’Amérique, a dit le Président du Conseil : il n’y aurait pas de traité, j’y compterais tout de même. »


L’Italie se trouve depuis quelque temps dans une situation troublée que les récentes élections législatives n’ont pas améliorée. Le scrutin qui a eu lieu comme chez nous le 16 novembre, a eu pour résultat d’envoyer siéger à Montecitorio cent cinquante socialistes, qui composent presque le tiers de la nouvelle Chambre. Forts de ce succès, les socialistes n’ont pas perdu de temps pour révéler leurs sentiments. Dès l’ouverture du Parlement italien, ils avaient imaginé de faire paraître leur puissance et après quelques hésitations sur la conduite qu’ils tiendraient, ils avaient décidé d’assister au début de la première séance et de se retirer avant le moment où le Roi prononcerait le discours du trône. C’est ce qu’ils ont fait. Cette manifestation a paru d’autant plus pénible à l’opinion italienne que le Souverain a toujours observé avec le plus grand tact son rôle constitutionnel et qu’il a conquis à la fois le respect et la sympathie de la nation. La Chambre et la population ont témoigné avec empressement leurs sentiments à l’égard du roi et elles ont tenu à protester ainsi contre l’attitude des socialistes. Dans la journée du 1er décembre, quelques députés socialistes ont été à Rome l’objet de démonstrations hostiles ; il s’en est suivi des incidents et des grèves qui se sont étendues à Milan et à Turin. Tous ces événements montrent un certain état d’effervescence dans les milieux avancés qui commence de préoccuper les partis de gouvernement.

Le succès des socialistes aux. élections s’explique par les circonstances où elles ont été faites. L’Italie a souffert de la guerre et elle a été déçue par la paix. La plupart des nations ont connu les mêmes épreuves, mais beaucoup, au lendemain de la victoire y ont pu recevoir de leur gouvernement une direction qui a rapproché les partis et ont été animées d’un sentiment d’union-nationale qui a