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sont uniquement dirigées par un intérêt réaliste. Fouché devient ainsi le modèle de l’opportuniste. Son histoire est le manuel du politicien, un catéchisme du parlementaire, quelque chose comme ce que fut, sous les régimes absolus, le Prince de Machiavel ou la Vie de Castruccio Castracani.

La Rome de Napoléon est une étude, un raccourci infiniment curieux de l’administration impériale en Europe et des raisons qui la condamnaient à l’échec. On y admire à la fois la prodigieuse ampleur et l’inconcevable fragilité de l’œuvre de Napoléon ; on y voit l’essai majestueux d’une Europe nouvelle dans les cadres de l’Empire, la naïveté de ces Français qui viennent réveiller les Romains de Tite-Live, leur déception inévitable, l’avortement de leur tentative, et pourtant l’unité italienne s’élevant, grâce à eux, sur les ruines de leur œuvre.

Après ces deux monographies si riches de faits et d’aperçus, et qui éclairent en passant tant de côtés de l’histoire, le jeune écrivain abordait le centre du problème et osait entreprendre une synthèse générale, une construction d’ensemble de l’époque révolutionnaire, qui devait être, sous une forme accessible au public, la somme de ses études et la mise au point de sa philosophie. Dans un premier volume, que l’Académie honora de son grand prix Gobert, il résume le iorrent de la Révolution. En même temps, comme un portrait dessiné dans la marge, il peignait la figure énigmatique de Danton. Et il s’apprêtait à terminer son grand ouvrage par un second volume sur le Consulat et l’Empire, lorsque survint la guerre.


La guerre est un des événements qui devaient le moins surprendre un historien lorrain. M. Louis Madelin s’y était préparé toute sa vie. Tout Lorrain appartient à la « zone de couverture, » sait que son pays est une « marche, » un champ de bataille où les peuples se sont toujours battus et reviendront tôt ou tard pour vider leurs querelles. Comme M. Maurice Barrès ne manque pas de revenir tous les étés à Charmes, il revenait chaque année passer la belle saison sur sa colline de Raon-l’Étape, dans une situation charmante sur un promotoire des Vosges, où l’historien, avant la guerre, avait écrit plus d’un de ses livres en ayant sous les yeux l’éternelle question du Rhin, et dont nos artilleurs se servirent durant la guerre comme d’un